}

lundi 31 mai 2010

Sommeil. Philippe Desportes - Victor Hugo - Leconte de Lisle - Arthur Rimbaud - Poésie / Cerveau et Psychologie

Un sujet: le sommeil. Des poètes: Philippe Desportes, Victor Hugo, Leconte de Lisle, Arthur Rimbaud. Un magazine: «L’essentiel Cerveau&Psychologie no 2, Le sommeil et ses troubles». Lisons à reculons et entre les lignes pour former un tout: Inspirée par «L’essentiel Cerveau&Psychologie no 2, Le sommeil et ses troubles» je vous présente des poèmes sur le… sommeil. Aucun ne vous fera bâiller, aucun ne vous fera cogner des clous… Au contraire, chaque poème tiendra votre esprit en éveil.

Lundi, ce 31 mai 2010. Mai s'enfuit talonné par Juin.
C'est la folle course à relais du temps, un mois en chasse un autre
comme le jour chasse la nuit, et la nuit, le jour.

Au fait, dites-moi, Frère Jacques dormez-vous… du sommeil du juste, un sommeil paisible et profond? Amis lecteurs et lectrices, le Marchand de sable saupoudre-t-il vos nuits d’un sommeil calme et réparateur ou agité et fatiguant? Et dire que l’on passe 1/3 de notre vie les yeux fermés, dans un état physiologique ralenti, alors que la folle du logis s’agite au cœur de l’activité onirique*. Rêves, cauchemars; insomnie, hypersomnie… Mais, qui ou quoi préside ce cérémonial… vital?

Qui? C’est Morphée, fils d’Hypnos. Le dieu ailé parcourt la terre et touche les mortels d’une fleur de pavot pour les endormir. À moins que ce soit Hypnos lui-même, frère jumeau de la Mort. Grâce à ses courtes, et élégantes, ailes attachées à ses tempes, il vole rapidement au secours des mortels qui réclament le sommeil. J’avoue que j’ai une préférence pour Morphée… au cas où Hypnos m’enverrait son frère jumeau.

Quoi? C’est le cerveau. À défaut de dieu ailé, nous avons des structures cérébrales, l’hypothalamus et le thalamus qui secrètent des hormones, et qui président au cycle éveil – sommeil- rêve. Et l’horloge biologique? «La sérotonine joue aussi un rôle important dans le sommeil parce qu’elle sert à fabriquer la mélatonine. La mélatonine, qui est produite durant la nuit, joue un rôle fondamental dans la régulation de notre horloge biologique. Elle est responsable de l’ensemble du cycle veille / sommeil, alors que la sérotonine participe plus spécifiquement à l’éveil, à l’initiation du sommeil ainsi qu’au sommeil paradoxal.» (1)


Le sommaire de «L’essentiel Cerveau&Psychologie no 2, Le sommeil et ses troubles»

  1. Le sommeil : un enjeu de société
  2. Le bâillement : un comportement universel
  3. Les clés du sommeil
  4. Veille et sommeil : un équilibre dynamique
  5. Dormir pour se souvenir
  6. Comportement alimentaire et sommeil
  7. Caféine et vigilance
  8. La clé des rêves
  9. Dans le labyrinthe des cauchemars
  10. Un sommeil anormalement agité
  11. Un sommeil fatigant
  12. Une insomnie plurielle
  13. Le somnambulisme
  14. Le syndrome des jambes sans repos
  15. Terrassé par le sommeil : les hypersomnies
  16. Insomnie et troubles psychiques
  17. Pour ne plus compter les moutons

Les poèmes de Philippe Desportes, Victor Hugo, Leconte de Lisle, Arthur Rimbaud.


  1. Sommeil, paisible fils de la Nuit solitaire
  2. C'est la nuit; la nuit noire, assoupi et profonde
  3. Le sommeil de Leïlah
  4. Le dormeur du Val
  5. Prière au sommeil

Sommeil, paisible fils de la Nuit solitaire
Sommeil, paisible fils de la Nuit solitaire,
Père calme, nourricier de tous les animaux,
Enchanteur gracieux, doux oubli de nos maux,
Et des esprits blessés l'appareil salutaire :

Dieu favorable à tous, pourquoi m'es-tu contraire ?
Pourquoi suis-je tout seul rechargé de travaux,
Or que l'humide nuit guide ses noirs chevaux,
Et que chacun jouit de ta grâce ordinaire ?

Ton silence où est-il ? ton repos et ta paix,
Et ces songes volant comme un nuage épais,
Qui des ondes d'Oubli vont lavant nos pensées ?

Ô frère de la Mort, que tu m'es ennemi !
Je t'invoque au secours, mais tu es endormi,
Et j'ards, toujours veillant, en tes horreurs glacées.
Philippe Desportes (1546-1606)


C'est la nuit ; la nuit noire, assoupie et profonde
C'est la nuit ; la nuit noire, assoupie et profonde.
L'ombre immense élargit ses ailes sur le monde.
Dans vos joyeux palais gardés par le canon,
Dans vos lits de velours, de damas, de linon,
Sous vos chauds couvre-pieds de martres zibelines,
Sous le nuage blanc des molles mousselines,
Derrière vos rideaux qui cachent sous leurs plis
Toutes les voluptés avec tous les oublis,
Aux sons d'une fanfare amoureuse et lointaine,
Tandis qu'une veilleuse, en tremblant, ose à peine
Éclairer le plafond de pourpre et de lampas,
Vous, duc de Saint-Arnaud, vous, comte de Maupas,
Vous, sénateurs, préfets, généraux, juges, princes,
Toi, César, qu'à genoux adorent tes provinces,
Toi qui rêvas l'empire et le réalisas,
Dormez, maîtres... - Voici le jour. Debout, forçats !
Victor Hugo (1802-1885)


Le sommeil de Leïlah

Ni bruits d'aile, ni sons d'eau vive, ni murmures ;
La cendre du soleil nage sur l'herbe en fleur,
Et de son bec furtif le bengali siffleur
Boit, comme un sang doré, le jus des mangues mûres.

Dans le verger royal où rougissent les mûres,
Sous le ciel clair qui brûle et n'a plus de couleur,
Leïlah, languissante et rose de chaleur,
Clôt ses yeux aux longs cils à l'ombre des ramures.

Son front ceint de rubis presse son bras charmant ;
L'ambre de son pied nu colore doucement
Le treillis emperlé de l'étroite babouche.

Elle rit et sommeille et songe au bien-aimé,
Telle qu'un fruit de pourpre, ardent et parfumé,
Qui rafraîchit le cœur en altérant la bouche.
Charles-Marie Leconte de Lisle (1818-1894)


Le dormeur du val

C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.

Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.

Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Arthur Rimbaud (1854-1891)

Prière au sommeil
Somme, doux repos de nos yeux.
Aimé des hommes et des dieux,
Fils de la Nuit et du Silence,
Qui peux les esprits délier,
Qui fais les soucis oublier,
Endormant toute violence.

Approche, ô Sommeil désiré !
Las ! c'est trop longtemps demeuré :
La nuit est à demi passée,
Et je suis encore attendant
Que tu chasses le soin mordant,
Hôte importun de ma pensée.

Clos mes yeux, fais-moi sommeiller,
Je t'attends sur mon oreiller,
Où je tiens la tête appuyée :
Je suis dans mon lit sans mouvoir,
Pour mieux ta douceur recevoir,
Douceur dont la peine est noyée.

Hâte-toi, Sommeil, de venir :
Mais qui te peut tant retenir ?
Rien en ce lieu ne te retarde,
Le chien n'aboie ici autour,
Le coq n'annonce point le jour,
On n'entend point l'oie criarde.

Un petit ruisseau doux-coulant
A dos rompu se va roulant,
Qui t'invite de son murmure,
Et l'obscurité de la nuit,
Moite, sans chaleur et sans bruit,
Propre au repos de la nature.

Chacun hors que moi seulement,
Sent ore quelque allégement
Par le doux effort de tes charmes :
Tous les animaux travaillés
Ont les yeux fermés et ciliés,
Seuls les miens sont ouverts aux larmes.

Si tu peux, selon ton désir,
Combler un homme de plaisir
Au fort d'une extrême tristesse,
Pour montrer quel est ton pouvoir,
Fais-moi quelque plaisir avoir
Durant la douleur qui m'oppresse.

Si tu peux nous représenter
Le bien qui nous peut contenter,
Séparé de longue distance,
Ô somme doux et gracieux !
Représente encore à mes yeux
Celle dont je pleure l'absence.

Que je voie encor ces soleils,
Ce lis et ces boutons vermeils,
Ce port plein de majesté sainte ;
Que j'entr'oie encor ces propos,
Qui tenaient mon cœur en repos,
Ravi de merveille et de crainte.

Le bien de la voir tous les jours
Autrefois était le secours
De mes nuits, alors trop heureuses ;
Maintenant que j'en suis absent,
Rends-moi par un songe plaisant
Tant de délices amoureuses.

Si tous les songes ne sont rien,
C'est tout un, ils me plaisent bien :
J'aime une telle tromperie.
Hâte-toi donc, pour mon confort;
On te dit frère de la Mort,
Tu seras père de ma vie.

Mais, las ! je te vais appelant,
Tandis la nuit en s'envolant
Fait place à l'aurore vermeille :
O Amour ! tyran de mon cœur,
C'est toi seul qui par ta rigueur
Empêches que je ne sommeille.

Hé ! quelle étrange cruauté !
Je t'ai donné ma liberté,
Mon cœur, ma vie, et ma lumière,
Et tu ne veux pas seulement
Me donner pour allégement
Une pauvre nuit tout entière ?
Philippe Desportes (1546-1606)

Bonne journée! Merci de me lire.
Cette nuit, et toutes les autres nuits, faites de beaux rêves...
___
* Psitt! La journée se divise en tiers: 1/3 de dodo, 1/3 de boulot, 1/3 de … mais que fait-on, au juste, de l’autre tiers, celui qui nous file entre les doigts?
[] (1) Extrait lu sur http://lecerveau.mcgill.ca : un (beau) site à visiter, sans faute. Il propose 3 niveaux d'apprentissage: cérébral (sic) débutant, cérébral intermédiaire, cérébral avancé. C'est un site pédagogique, abondamment illustré.
Paperblog