Lire et relire Sur la route de Jack Kerouac, et l'offrir. Pourquoi? Parce que... c'est un livre légendaire, mythique; parce qu'il est l'un des 49 romans américains de la «Bibliothèque idéale» de Bernard Pivot (Albin Michel, 1988) qui écrit: «Livre phare de la génération beat incarnée par Dean Moriarty, un frère de James Dean. Des voitures volées,des mauvais garçons qui ont fait un pacte d'amitié, et la route 220 à l'heure.» Ciel! J'arrête ici, car je crains que les Rennes du Père Noël -bêtes intelligentes, s'il en est- ruent dans la belle jambe que ça me fait!
Lire et relire Sur la route de Jack Kerouac, et l'offrir. Pourquoi? Parce que c'est un excellent roman, un témoignage unique, d'un authentique écrivain, qui a une œuvre incomparable à son actif. Je sais de quoi je parle: en 2009, j'ai consacré nombre d'articles à Sur la route et à Jack Kerouac, sur mon blogue siamois Livranaute.
L'histoire commence avec Jack London.
En 1907, Jack London publie The Road. C'est le récit des aventures et des vagabondages de Jack-le-matelot -un double de l'auteur-, récit inspiré de faits authentiques. En effet, en mai 1893, une «armée industrielle», soit un groupe formé de milliers de chômeurs et de laissés-pour-compte confrontés à une sévère crise économique, marche sur Washington. Commandée par le «général» Kelly, cette «armée» veut forcer le gouvernement à construire des routes à travers le pays. Sans le sou, les chômeurs montent, illégalement, dans des wagons de marchandises; on les nomme les «brûleurs de dur». Parmi ceux-ci, Jack London qui eu l'idée de tenir un journal de bord, un inédit est publié sous le titre Carnet du Trimard (éditions Tallandier, 2007).
Toutefois, il quitte le groupe de chômeurs peu après pour vagabonder, et mener une vie de «hobo», jusqu'à son arrestation à Niagara Falls, en juin 1884, et son dur séjour dans une prison de Buffalo. S'appuyant sur son carnet de bord, expériences et vagabondages, Jack London, le «brûleur de dur», écrivit The Road treize ans plus tard (1907) -et la traduction française mit cent ans pour nous parvenir, décidément «It's a Long Way to Tipperary...».
Jack London venait ainsi d'entrer en littérature et d'opter pour le socialisme. Le vent de liberté, le goût de prendre la route, la sensibilité à la misère et à l'injustice sociale dont est empreint On the Road marqueront les esprits et inspireront la jeunesse revendicatrice, et … Jack Kerouac.
Jack Kerouac
Cinquante ans après The Road, en 1957 donc, Jack Kerouac publiait On the Road, écrit entre 1948-1956. Ce titre même est un hommage à son prédécesseur, le «Pionnier de la Route». Il adoptera le même prénom, Jack. Son véritable prénom est Jean-Louis; pour sa mère, vers qui il reviendra sans cesse, il est et restera «Ti-Jean». Son patronyme est Kérouac, avec l’accent aigu…
Jack London avait rédigé un carnet de notes qui lui a servi pour The Road; c’est avec ce premier roman qu’il débute sa carrière littéraire, qu’il se découvre écrivain. Une carrière prolifique! Jack Kerouac, quant à lui, avait déjà publié un roman en 1950, The Town and the City -Avant la route- salué par la critique. Sa carrière était donc amorcée, et il savait depuis toujours, pour ainsi dire, qu’il serait un écrivain.
L’«armée» de chômeurs et de laissés-pour-compte du «général» Kelly , que London rejoignit, réclamait des routes… et du travail.
Kerouac, lui, errait sur les routes américaines dont la mythique 66 reliant Chicago à Los Angeles se déplaçant en auto-stop, mais aussi montant à bord de wagons de marchandises comme London.
Les temps ont changé, mais la jeunesse reste éprise de liberté, et du désir de prendre le large. Inscrits dans la même filière américaine, les deux Jack sont des vagabonds, des marginaux des «tramps», des «bums». Tous deux racontent leur errance, leurs amitiés et rencontres, leurs émotions et réflexions.
London met en scène Jack-the-Sailor, son double; et Kerouac, Dean Moriary, nul autre que Neal Cassidy, et Sal Paradise, son double. Le contenu de l’un est plutôt «soft», et celui de l’autre est plutôt «hard»-surtout, il va sans dire, le texte original, non épuré. London écrit en slang, dans un style parlé, spontané, familier, alors que Kerouac raconte, romance, dans un tempo jazz, en battant la mesure, dans un style personnel. Ce beat résonnera à l’oreille et au cœur de la génération d’après-guerre.
The Road touchera des millions de lecteurs. C’est une œuvre majeure de la littérature américaine, d’une originalité sans pareille. Elle marquera toute une génération nommée la «Beat Generation». Il inspirera toute une jeunesse qui prendra la route, le livre sous le bras, mais trop tard... l'époque est révolu!
En bref. À 50 ans d'intervalle, Jack London et Jack Kerouac: tous deux ont pris la route et parcouru les États-Unis d’Amérique, au gré des rencontres et des moyens de déplacement. Deux sans-le-sou avides de découverte. Tous deux, conteurs et personnages de leurs propres aventures, pour ne pas dire de leur «vécu». À l’époque de Jack London, on réclamait des routes, à celle de Jack Kerouac, on roulait sur les routes.
Aujourd'hui. La US 66, U.S. Route 66, la Main Street of America, Main Street USA, The Mother Road -la première route transcontinentale goudronnée en Amérique-, n'existe plus ou si peu, ayant été déclassée en 1985. il va sans dire que la célèbre U.S. Route 66 conserve, et conservera, son caractère mythique. D'ailleurs, des groupes multiplient des initiatives pour conserver ce qu'il reste de l'Historic Route 66.
Lire et relire Sur la route de Jack Kerouac, et l'offrir. Mais, dans quelle édition? La plus récente présente la version originale intitulée: «Sur la route: le rouleau original», Gallimard 2010.
Mais quel rouleau??? C'est une légende...
«La légende veut que Kerouac se soit dopé à la benzédrine pour écrire Sur la route, qu’il l’ait composé en trois semaines, sur un long rouleau de papier télétype, sans ponctuation. Il s’était mis au clavier, avec du bop à la radio, et il avait craché son texte, plein d’anecdotes prises sur le vif, au mot près. Le sujet : la route avec Dean, son cinglé de pote, le jazz, l’alcool, les filles, la drogue, la liberté…[...]», lu sur France Culture.
Pour ma part, je vous conseille trois livres:
[] Sur le route, de Jack Kerouac. Texte intégral, avec des notes et un dossier, publié chez Folio plus, numéro 31, 540 pages. Vous aimez le «hard»,? Il y en a... Que les protagonistes portent des surnoms, n'y change pas grand chose; ils sont nettement
identifiés par l'éditeur. C'est un secret de Polichinelle!
[] Kerouac par Yves Buin, chez Folio biographies. no 17,354 pages. Une biographie reconnue, fort intéressante et bien écrite.Clin d'oeil à Daniel Caux.«Pour moi ne comptent que ceux qui sont fous de quelque chose, fous de vivre, fous de parler, fous d'être sauvés, ceux qui veulent tout en même temps, ceux qui ne bâillent jamais, qui ne disent pas de banalités, mais brûlent, brûlent, brûlent comme un feu d'artifice. », disait le Jazz Poet. Selon Yves Buin, son biographe, Jack Kerouac a formalisé le souffle jazzé, inspiré du saxophone et le phrasé paroxystique de la « forme sauvage » dans les quelques principes de la prose spontanée. Ecrivain psychiatre, également poète et passionné de jazz, Yves Buin a collaboré à Jazz Hot à la fin des années 60 [...]», lu sur France Culture.
[] Jack Kérouac, œuvres complètes, tome 10, de Victor-Lévy Beaulieu (VLB), un essai de 194 pages. C'est un beau livre imprimé sur un papier de qualité crème, généreusement illustré. Ce livre est un incontournable pour connaître Jack Kerouac et son oeuvre: indissociables. Incoutournable pour saisir l'origine profonde et la portée de Sur la route, et la place qu'elle occupe dans son œuvre. Incontournable pour comprendre l'univers de Jack Kerouac, dont les livres ne peuvent, à mon avis, se lire à la pièce. «Jack Kerouac par Victor-Lévy Beaulieu... mais aussi Victor-Lévy Beaulieu par Jack Kerouac... Cet essai de reconstitution d'une vie, d'une oeuvre, d'un destin peut être considéré comme un roman au sens qu'aura peut-être ce mot demain.», Claude Mauriac,Le Monde,1973.
Offrir des Folio... vous hésitez. Alors choisissez la version originale, accompagnée de l'essai de VLB. Un cadeau que la personne choyée n'oubliera pas de sitôt, pour ne pas dire jamais - car il ne faut jamais dire jamais...
Allez, je vous embrasse. À bientôt!