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mercredi 21 avril 2010

La petite et le vieux - Marie-Renée Lavoie / Hemingway - Kipling / Pierre Foglia. Extraits

Hier, Pierre Foglia nous faisait un «cadeau de lecture» dans un texte intitulé «A-do-ra-ble» (sur Cyberpresse): La Petite et le vieux, de Marie-Renée Lavoie. Il s'exprimait en ces termes: «(…) la petite du titre est un sacré numéro, comme on dit, comme souvent les petites filles dans les romans, vous l'aviez peut-être remarqué. Bien sûr, le vieux monsieur est... tiens, on va voir si vous vous y connaissez en littérature, cochez la bonne réponse: Le vieux monsieur est bourru / Le vieux monsieur est daltonien / Le vieux monsieur est luxembourgeois.
Bourru, bravo, je vous félicite. Vers le milieu du roman, la petite offre au vieux monsieur un livre, pas n'importe quoi - l'auteur est prof de littérature, rappelez-vous - Le vieil homme et la mer, c'est le livre, il y a un punch à propos de ce cadeau, je l'avais deviné mais peut-être pas vous et je ne veux pas gâcher votre plaisir. Le livre commence par une citation de Romain Gary, mais elle aurait aussi pu être tirée du Catcher in the Rye, ou de Queneau, voilà je ne peux vraiment pas vous tordre le bras plus que ça, si vous ne lisez pas ce livre-là non plus, alors c'en est bien fini de la lecture, celui-là a vraiment été écrit pour être lu, croyez-moi. J'exagère comme toujours. En fait, vous pouvez aussi attendre le film, c'est bien parti pour ça.»

Intriguée, j'ai cherché à en savoir plus. Voici le résultat de mon enquête....

La petite et le vieux. Résumé du livre.
Elle se nomme Hélène, mais se fait appeler Joe parce qu’elle veut vivre en garçon comme lady Oscar, son héroïne de dessins animés préférés qui est le capitaine de la garde rapprochée de Marie-Antoinette. Comme elle, elle aimerait vivre à une autre époque et réaliser de grands exploits, car elle a l’âme romantique et un imaginaire avide de grands drames. Mais elle doit se contenter de passer les journaux, puis de travailler comme serveuse dans une salle de bingo. Après tout, au début du roman, elle n’a que huit ans, même si elle prétend en avoir dix.
Hélène a trois sœurs, un père très occupé à être malheureux et une mère compréhensive mais stricte qui ponctue ses phrases d’un «C’é toute» sans réplique. Elle vit dans un quartier populaire peuplé de gens souvent colorés dont le plus attachant est sans nul doute son nouveau voisin, Monsieur Roger, un vieil homme qui rêve de mourir. Il passe ses journées à boire de la bière, mais il accourt dès qu’on a besoin de lui. Hélène et lui développent une amitié indéfectible.
Le roman est traversé par une grande tendresse et rendu avec une grande vivacité. Hélène peut se rassurer: elle fait preuve d’autant d’héroïsme que Lady Oscar et sa vie est tout aussi palpitante que la sienne. La vraie aventure n’est-elle pas de vivre au quotidien?

Lady Oscar, capitaine de la garde rapprochée de Marie-Antoinette?
Pour savoir qui est cette Lady Oscar, héroïne de la série animée La Rose de Versailles -série adaptée d'un manga-, rendez vous sur Wikipédia, à cette page ici.

Le vieil homme et la mer, de Ernest Hemingway. Extraits.
À vue de nez, on voit... que l'on peut faire un parallèle entre Hélène alias Jos et le vieux Roger, d'une part, et entre Manolin et le vieux pêcheur Santiago, d'autre part.
Pour vous remettre en mémoire ce magnifique texte, je vous en donne 2 extraits

Extrait 1. Dialogue entre Manolin et Santiago
Note. Le roman met en scène deux personnages principaux: Santiago, un vieux pêcheur pauvre, et Manolin, jeune garçon tendre. L’histoire se déroule à Cuba,dans un petit port près du Gulf_Stream.

«Tout en lui était vieux, sauf son regard, qui était gai et brave, et qui avait la couleur de la mer.
- Santiago, dit le gamin tandis qu'ils escaladaient le talus après avoir tiré la barque au sec, je pourrais revenir avec toi maintenant. On a de l'argent.
Le vieux avait appris au gamin à pêcher et le gamin aimait le vieux.
- Non, dit le vieux, t'es sur un bateau qu'a de la veine. Faut y rester.
- Mais rappelle-toi quand on a passé tous les deux vingt-sept jours sans rien attraper, et puis tout d'un coup qu'on en a ramené des gros tous les jours pendant trois semaines.
- Je me rappelle, dit le vieux. Je sais bien que c'est pas par découragement que tu m'as quitté.
- C'est papa qui m'a fait partir. Je suis pas assez grand. Faut que j'obéisse, tu comprends.
- Je sais, dit le vieux. C'est bien naturel.
- Il a pas confiance.
- Non, dit le vieux. Mais on a confiance, nous autres, hein ?
- Oui, dit le gamin. Tu veux-t-y que je te paye une bière à la Terrasse ? On remisera tout ça ensuite.
- C'est ça, dit le vieux. Entre pêcheurs.»

Entre eux, le jeune et le vieux, pas de pitié, mais de l’amour et du respect. Le passage qui suit vous rappellera, à coup sûr, la lutte du capitaine Achad –son corps à corps- contre le cachalot Moby Dick, dans le roman Moby Dick de Herman Manville.

Extrait 2. Le vieux pêcheur, Santiago et l'Espadon
Note. Le vieux décide alors de partir seul et de trouver «Le» poisson, ainsi il retrouvera l’estime de ses congénères. Il laisse Manolin, le seul qui croit toujours en lui. Il part au large et rencontre son adversaire.

«Il ne distinguait plus la ligne verte du rivage; seuls les sommets des collines bleues se détachaient en blanc comme s'ils étaient couverts de neige; les nuages qui les couronnaient ressemblaient aussi à de hautes montagnes neigeuses. La mer avait pris une couleur foncée et la lumière découpait des prismes dans l'eau. Les taches innombrables du plancton se dissolvaient dans l'éclat du soleil à son zénith; le vieux ne voyait plus que les irisations profondes sous l'eau violettes et ses lignes qui descendaient tout droit dans la mer. Il y avait mille mètres de fond. Au large, tout à coup, sa ligne plonge, c’est un gros choc dans ses mains (…) Cela doit être une grosse prise, se dit-il».

Il donne du mou pour ne pas casser la ligne, il est entraîné au grand large. Ainsi commence une lutte acharnée entre l’homme et le poisson qui durera trois jours et deux nuits, le vieux n’a plus rien à boire ni à manger, ses mains ensanglantées sont douloureuses, le soleil tape, le duel sera long, le vieux a du respect pour son «adversaire», il parle à son ami poisson pour lui exprimer toute sa sympathie, ils lutteront jusqu’au bout.

Tu veux ma mort, poisson, pensa le vieux. C'est ton droit. Camarade, j'ai jamais rien vu de plus grand, ni de plus noble, ni de plus calme, ni de plus beau que toi. Allez, vas-y, tue-moi. Ça m'est égal lequel de nous deux tue l'autre. Qu'est-ce que je raconte? pensa-t-il. Voilà que je déraille. Faut garder la tête froide. Garde la tête froide et endure ton mal comme un homme. Ou comme un poisson.

À la fin de la lutte, au prix d'efforts incroyables, le vieux est vainqueur, loin de crier au triomphe, il remercie Dieu pour ce combat incertain. L’orgueil n’est pas le fait d’avoir vaincu un si gros spécimen, mais d’avoir vaincu un adversaire si brave.

Le vieux se mit à tirer sur l'espadon pour l'amener à flanc de barque. Je veux le regarder, pensait-il, le toucher, le tâter. C'est ma fortune, ce poisson là.»

Il installe sa voile et met le cap sur la terre mais, au bout d'une heure arrivent d’autres combattants: les requins. Contrairement à l’espadon, ceux-ci sont lâches et vils, ils attaquent à plusieurs, le vieux se défend, toute la nuit il lutte, il lutte pour l’honneur de son poisson qui s’est si bien défendu, le poisson était un adversaire digne à qui il doit le respect, ce n’est plus seulement une prise qu’il va vendre. Le vieux tue autant qu'il peut de requins, les forces lui manquent, ils sont trop nombreux, il assiste, impuissant, à l’anéantissement de tant d’efforts, il ne reste du poisson que la tête et l'arête.
Santiago, le vieil homme, rentre au port, épuisé, éreinté, mais il a son honneur pour lui, il a une preuve qu'il n’est plus «salao» -le malchanceux.

Santiago ... « lutte pour l’honneur de son poisson...»... il son honneur pour lui. Il a tout perdu, sauf l'essentiel.

Ce qui me ramène à ce poème de Kipling -à savoir par cœur.... -Décidément, je dois avoir mangé des madeleines dernièrement...
Tu seras un homme, mon fils
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou perdre en un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir;
Rudyard Kipling

Pour lire -et méditer- le poème au complet, rendez vous sur mon billet sur Littéranaute, en cliquant ici.

Bonne journée! Soyez heureux, envers et contre tout, envers et contre tous!
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Le livre. La Petite et le vieux, Éditions XYZ, Collection Romanichels, 238 pages, 23,95$
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