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dimanche 27 juin 2010

La joie! Trenet- Descartes - Hugo - Baudelaire - Beauchemin - de Benserade - Marion Brun. Poésie

La joie! Ce seul mot nous fait penser à Charles Trenet et, aussitôt, on l'entend chanter d'une voix pleine d'allant et de gaieté.«Y a d'la joie/Bonjour bonjour les hirondelles/Y a d'la joie...» Descartes estime, à juste raison, que «La joie est une agréable émotion de l'âme.» C'est dans cet esprit que je vous donne à lire des poèmes sur la joie. Des classiques: Victor Hugo, Charles Baudelaire, Nérée Beauchemin, Isaac de Benserade, et une nouvelle venue, Marion Brun, sauront vous enchanter en vous entretenant de la joie.


Il faut que le poète
Il faut que le poète, épris d'ombre et d'azur,
Esprit doux et splendide, au rayonnement pur,
Qui marche devant tous, éclairant ceux qui doutent,
Chanteur mystérieux qu'en tressaillant écoutent
Les femmes, les songeurs, les sages, les amants,
Devienne formidable à de certains moments.
Parfois, lorsqu'on se met à rêver sur son livre,
Où tout berce, éblouit, calme, caresse, enivre,
Où l'âme à chaque pas trouve à faire son miel,
Où les coins les plus noirs ont des lueurs du ciel,
Au milieu de cette humble et haute poésie,
Dans cette paix sacrée où croit la fleur choisie,
Où l'on entend couler les sources et les pleurs,
Où les strophes, oiseaux peints de mille couleurs,
Volent chantant l'amour, l'espérance et la joie,
Il faut que par instants on frissonne, et qu'on voie
Tout à coup, sombre, grave et terrible au passant,
Un vers fauve sortir de l'ombre en rugissant!
Il faut que le poète aux semences fécondes
Soit comme ces forêts vertes, fraîches, profondes,
Pleines de chants, amour du vent et du rayon,
Charmantes, où soudain l'on rencontre un lion.
Victor Hugo (1802-1885)
Les contemplations


Semper eadem
"D'où vous vient, disiez-vous, cette tristesse étrange,
Montant comme la mer sur le roc noir et nu"
- Quand notre cœur a fait une fois sa vendange,
Vivre est un mal. C'est un secret de tous connu,

Une douleur très simple et non mystérieuse,
Et, comme votre joie, éclatante pour tous.
Cessez donc de chercher, ô belle curieuse!
Et, bien que votre voix soit douce, taisez-vous!

Taisez-vous, ignorante! âme toujours ravie!
Bouche au rire enfantin! Plus encor que la Vie,
La Mort nous tient souvent par des liens subtils.

Laissez, laissez mon cœur s'enivrer d'un mensonge,
Plonger dans vos beaux yeux comme dans un beau songe,
Et sommeiller longtemps à l'ombre de vos cils!
Charles Baudelaire (1821-1867)
Les fleurs du mal


La branche d’alisier chantant
Je l'ai tout à fait désapprise
La berceuse au rythme flottant,
Qu'effeuille, par les soirs de brise,
La branche d'alisier chantant.

Du rameau qu'un souffle balance,
La miraculeuse chanson,
Au souvenir de mon enfance,
A communiqué son frisson.

La musique de l'air, sans rime,
Glisse en mon rêve, et, bien souvent,
Je cherche à noter ce qu'exprime
Le chant de la feuille et du vent.

J'attends que la brise reprenne
La note où tremble un doux passé,
Pour que mon cœur, malgré sa peine,
Un jour, une heure en soit bercé.

Nul écho ne me la renvoie,
La berceuse de l'autre jour,
Ni les collines de la joie,
Ni les collines de l'amour.

La branche éolienne est morte;
Et les rythmes mystérieux
Que le vent soupire à ma porte,
Gonflent le cœur, mouillent les yeux.

Le poète en mélancolie
Pleure de n'être plus enfant,
Pour ouïr ta chanson jolie,
Ô branche d'alisier chantant!
Nérée Beauchemin (1850-1931)
Patrie intime
--> Photo à droite. Un alisier (sorte de sorbier) blanc.


Sonnet

Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
Duquel on ne saurait estimer la valeur;
S'il vous vient quelque ennui, maladie ou douleur,
Il vous rendra soudain à votre aise et bien saine.

Il n'est mal d'estomac, colique ni migraine
Qu'il ne puisse guérir, mais sur tout il a l'heur
Que contre l'accident de la pâle couleur
Il porte avecque soi la drogue souveraine.

Une dame le vit dans ma main, l'autre jour
Qui me dit que c'était un perroquet d'amour,
Et dès lors m'en offrit bon nombre de monnoie

Des autres perroquets il diffère pourtant:
Car eux fuient la cage, et lui, il l'aime tant
Qu'il n'y est jamais mis qu'il n'en pleure de joie.
Isaac de Benserade (1613-1691)
Madame, je vous donne un oiseau pour étrenne
--> Peinture à droite. Dame au perroquet, de Van Veen Otto

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Dans son premier recueil de poésie intitulé «Je cours après la joie», Marion Brun s'interroge sur la joie en ces termes:
«La joie est présumée coupable. Les chefs d'accusation sont: la futilité, la bêtise, voire la cruauté. Il s'agit d'abord d'enquêter. Qui est-elle? D'où vient-elle? Comment opère-t-elle? Pourquoi change-t-elle de visages? Où trouver la joie? Agit-elle seule? Sous la forme d'une parade amoureuse, cette poursuite poétique nous capture dans quelques filets: ceux des mots, ceux d'un jeu de séduction, ceux de la joie elle-même.»

Sa poésie est le fruit des images, odeurs, impressions ramenées de ses lointains voyages et de ses escapades au cœur des Cévennes qui lui sont chères. Les Cévennes, ce coin de pays également cher au cœur de Raymond Depardon, dont j'ai vu et revu le magnifique, et touchant, film «Les temps modernes» -et dont je vous ai parlé ici même sur Littéranaute (billet du 24 septembre 2099).

Voici deux poèmes de Marion Brun

Parfois, le foisonnement des douze coups
N’est plus seulement l’annonce du plus clair du jour.
Une panique craquelle la terre.
Dans un bruit sourd, un gouffre s’ouvre.

En risquant de s’y pencher, il n’y a plus rien:
Ni les balanciers qui sonneront bientôt la bonne heure,
Ni les nostalgiques ombres qui embellissent les
lumières des néons.
Les apaisantes pâleurs de la matinée sont passées dans
l’obscurité.

Puis, l’instant d’après, midi sonne,
Des phares s’allument,
Des fantômes blafards exultent,
Les arbres sur les mines font comme des pantomimes
dansantes,

Beauté arrachée qui sourit sous son fard riant.
Et les rires ferment les affres,
Les profondeurs véritables, les réelles failles.
Marion Brun

Midi, tu es la lente et longue amertume du réveil où les
mouches suffoquent
La fin de la badinerie sucrée, du tumulte pailleté, des
draps trempés,
Tu es l’heure qui éloigne les sueurs du matin et les
rires qui éclatent pour brise.
Tu es l’après, la fuite loin de la nuit vers l’infini.



Midi, tu es alors la preuve mûre des joies profondes
Quand tu t’assois entre les colonnes d’un cloître
Et qu’en un instant toutes les paix se concluent.
Quand l’explosion de la victoire barbare
Devient l’acquiescement d’un ciel païen.
Marion Brun

Je vous souhaite un beau, et joyeux, dimanche!
Mieux encore, «la joie intérieure, une joie si profonde que rien ne saurait l'altérer»
(Bernanos)

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Marion Brun, Je cours après la joie. Poésie. L'Harmattan, 2008, 34 pages. Les deux extraits ont été tirés de Google Livres. Vous pouvez en lire deux autres en cliquant ici.

mercredi 23 juin 2010

Québec. Vive la St-Jean! Bonne Fête nationale du Québec! / Gens du pays - Gilles Vigneault

Québec, les 23 et 24 juin 2010. Vive la St-Jean! Cette année, le Québec célèbre sa Fête nationale sous le thème de la créativité des Québécoises et des Québécois, laquelle est illustrée par quatre magnifiques affiches produites par l'agence BOS.
La Fleur de lys du drapeau du Québec n'aura jamais été aussi belle. Les voici... ces affiches, accompagnées de quelques notes.
Suivra un survol historique de la fête de la St-Jean qui origine d'un lointain passé, et a été transmis de la France à la Nouvelle-France- qui sera désignée plus tard Canada, puis Canada français, puis Québec, enfin...

Je soulignerai ensuite l'obtention du prix «Artisan de la Fête nationale» par le Poète chéri des Québécois, Gilles Vigneault.

Affiche Masque
Le Québec fait rêver. Rares sont les scènes où les Québécoises et les Québécois n'ont pas mis les pieds. Cette affiche rend hommage aux arts de la scène.

Célébrons les créateurs d'avenir
Cultivant l’innovation, les Québécois ont fait de leur talent notre meilleur ambassadeur. Elle a toujours, pour origine, le savoir-faire de ses artisans, nés ici ou venus s’y établir. Et l’avenir du Québec, c’est dans leur tête qu’il se prépare.

Alors, soyons fiers de cette créativité qui, aujourd’hui, nous permet d’imaginer demain!





Affiche Raquette

Si la créativité québécoise s'exprime, c'est beaucoup parce qu'elle profite de nombreuses influences. Avec le savoir faire des amérindiens, avec l'artisanat populaire, le Québec a su s'adapter et inventer de nouvelles façons de s'exprimer.

Célébrons les créateurs pionniers

Persévérants, ils se sont inspirés des autochtones pour inventer de nouvelles façons d’imaginer la vie. Distincte par sa langue et sa culture, notre société n’est jamais restée captive de sa condition; elle s’en est au contraire servie comme d’un tremplin pour assurer sa croissance. Si bien qu’aujourd’hui le Québec est une communauté qui se développe par son énergie, sa détermination, son travail et par ses propres talents.




Affiche Mécano
De la motoneige à Bixi, en passant par les avions et des inventions qui n'ont même pas encore de noms, les Québécois innovent, tout simplement, parce qu'ils sont de véritables génies.

Célébrons les créateurs de génie
De leurs mains, les Québécoises et Québécois ont dénudé la pierre, le bois, la glace et le sable pour que les éléments s’expriment et que s’imprime leur talent. Et les sabots de bois ont laissé leur place à l’artisanat, aux œuvres d’arts, aux inventions, aux techniques nouvelles et savantes, aux découvertes qui éclairent tous les domaines. Pionniers de la débrouillardise, les Québécois ne cessent d’innover. De la motoneige au bixi, ils ont mis leurs inventions au service des gens d’ici.





Affiche 3D
Que ce soit pour les effets spéciaux, les jeux vidéos ou les modélisations en 3D, les Québécoises et les Québécois se démarquent sur tous les écrans, grands comme petits.

Célébrons les créateurs d’imaginaire
Ambitieux, nos créateurs ont confié leur imaginaire aux idées les plus grandes. Aujourd’hui, que l’on soit devant un écran de cinéma ou d’ordinateur, à visionner le dernier succès populaire ou d’auteur, à découvrir le monde d’un super-héros virtuel ou à parcourir un nouvel univers, les créateurs d’ici ne sont jamais loin. Sur une scène ou dans une galerie, le talent québécois fait rêver. Et comme s’il ne suffisait pas de réinventer le cirque, nos artistes conquièrent les cœurs et les esprits, inspirés des rêves et des ambitions qui ont pris naissance dans notre coin du monde.



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Un survol historique
De la St-Jean...
Les célébrations du 24 juin puisent leur origine dans un passé immémorial. Historiquement, elles sont associées aux célébrations antiques du solstice d'été en même temps qu'aux fêtes agraires qui marquaient autrefois le début de l'été.

... en passant par la Saint-Jean-Baptiste...
Durant le premier millénaire de notre ère, les célébrations du solstice d'été furent christianisées en Europe et atteignirent une importance majeure au Moyen-âge. L'Église catholique plaça son caractère rituel et sacré sous le patronage de Saint-Jean-Baptiste.
C'est cette fête chrétienne que nos ancêtres importèrent de la France, dès le début de la colonisation. Dans les premières années de la Nouvelle-France, la Saint-Jean comportait des éléments païens que le clergé s'efforça avec plus ou moins de succès d'abolir.

... à la Fête nationale du Québec
D'une fête de la grande famille canadienne-française à la Fête du peuple québécois, la Fête nationale du Québec constitue la fête de tous ceux et celles qui composent le Québec d'aujourd'hui.

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Le prix «Artisan de la Fête nationale»
Cette année, le Poète, Gilles Vigneault, est le récipiendaire de ce prix.

«Son engagement et sa détermination en faveur de la langue française, sa générosité sans limite envers le public québécois et surtout sa contribution exceptionnelle au développement de la fierté québécoise font de cet homme, l’un des plus grands ambassadeurs de notre culture.

Mieux que quiconque, il a su raconter les histoires de ce coin de continent. Mieux que quiconque, il a su faire chanter les Québécoises et les Québécois. En effet, en 1975, il y a déjà 35 ans, Gilles Vigneault offrait aux Québécoises et aux Québécoises une chanson que lui seul pouvait écrire (...)»

Gens du pays, c'est votre tour...
De vous laisser parler d'amour.

Une chanson que tous connaissent par cœur...
Le 23 juin, les 7, 8 millions de Québécoises et de Québécois sont invités à l'entonner en chœur.

Sur l’air de la chanson «Gens du pays» qui célèbre cette année ses 35 ans, tout le Québec aura l’occasion de prendre part à un immense karaoké.
Le 23 juin vers 22 h, la Fête nationale invite tout le Québec à chanter d’une seule voix et ainsi réaliser une première mondiale: former le plus grand chœur, réparti sur plus de 24 sites hôtes des grandes célébrations.
Peu importe où vous vous trouvez, prenez part à ce moment historique…

Québécois et Québécoises, de tous horizons, célébrons notre Fête Nationale, avec fierté et dans la joie!
Que la fête commence!
Bonne Fête nationale du Québec! Et que ça swigne…

Amis et amies du Québec, fêtez avec nous! Et que ça re-swigne…

Vive la St-Jean! Bonne Fête nationale du Québec!
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Source:
Le Guide officiel, «Célébrons notre créativité», Fête Nationale, à l'adresse suivante: http://www.fetenationale.qc.ca

mardi 22 juin 2010

Hommage à José Saramago. 1922-2010.

Samedi, le 19 juin 2010, José Saramago est décédé, à l'âge de 87 ans,sur l’île espagnole de Lanzarote (aux Canaries), où il résidait depuis 1992, son livre L’Évangile selon Jésus-Christ ayant été censuré et sévèrement attaqué par l’Église qui l’accusait de «porter atteinte au patrimoine religieux des Portugais». L'obtention du prix Nobel de littérature en 1998 -attribué pour la première fois à un auteur de langue portugaise-, lui a valu une reconnaissance immense et historique. De nombreux Portugais s‘identifient à cet écrivain dont l’itinéraire est emblématique.

«L'écrivain des possibles n'est plus. José Saramago habitait le temps pour en détourner le cours, suspendait la mort et privait l'homme de ses sens pour mieux lui jeter au visage sa petitesse et l'infinitude de ses faiblesses. Il laisse un testament prophétique, une allégorie anthropologique fantasque et grave.» [evene.fr]

Romancier, essayiste, poète et blogueur, José Saramago s’est élevé contre toutes les injustices sociales et politiques. Contestataire, anticonformiste, il était la voix des opprimés et des faibles. C'était un homme debout, n'ayant peur de rien ni de personne: un homme libre, un homme de partage.

«José Saramago eut un destin hors du commun. Né en 1922 à Azinhaga, un petit village du Ribatejo situé à une centaine de kilomètres de Lisbonne, fils de paysans pauvres, il quitte l’école très tôt pour travailler, enchaînant divers métiers, de serrurier à traducteur. Autodidacte, passionné par les livres, il publiera son premier roman, Terra do pecado (Terre de péché), en 1947. Mais c’est en 1976 avec Levantado do Châo (non traduit en français, littéralement : « soulevé de [la] terre ») qu’il entre véritablement en littérature, et avec Memorial do covento (Le Dieu Manchot, 1982, publié en France en 1987) qu’il acquiert une véritable notoriété littéraire internationale.» [Le Monde diplomatique]

Adulé des uns, honni des autres, José Saramago est un immense écrivain.
«Ses fables, sombres, pessimistes, intransigeantes, il les habille d'une langue à nulle autre pareille, raffinée, déliée, affranchie des règles de ponctuation ordinaires et truffée d'interventions diaboliquement caustique.» [evene.fr]

Pour sa part, Odile Tremblay, du Journal Le devoir écrit:
«Polémiste dans sa vie, il eut une vison de complexité dans son œuvre, revisitant des grands mythes de l'humanité, essayiste, romancier, poète, auteur dramatique, à la fois pessimiste et utopiste, ludique auteur ayant établi son propre type de ponctuation.

Il partait généralement d'une proposition insolite pour aborder ses idées politiques, ses déceptions historiques, sa désolation devant une humanité à son avis indigne de la raison qui lui échoit.»

Dans un autre blogue, je reviendrai sur son œuvre. Je termine le présent billet en vous donnant à lire quelques citations relevées dans les articles lus ces derniers jours.

[] «S'il y a une épitaphe qui me conviendrait, ce serait: "Ci-gît M. Untel, un homme indigné", confiait José Saramago au Devoir en 2005.»

[] «Ce que je cherche à exprimer, c'est l'indignation sur l'état du monde, c'est la misère, la détresse où vivent des millions de personnes. Une partie énorme de l'humanité vit dans une apocalypse permanente de la naissance à la mort. C'est ça le progrès ? C'est ça la civilisation?»

[] «Ce que je cherche à exprimer, c'est l'indignation sur l'état du monde, c'est la misère, la détresse où vivent des millions de personnes. Une partie énorme de l'humanité vit dans une apocalypse permanente de la naissance à la mort. C'est ça le progrès ? C'est ça la civilisation?» [Interview accordée à "La République des livres", janvier 2010.]

[] «Dans un sens, on peut dire que lettre après lettre, mot après mot, page après page, livre après livre, j'ai successivement implanté à l'homme que j'étais les personnages que j'ai créés. Je crois que sans eux, je ne serais pas la personne que je suis aujourd'hui ; sans eux, peut-être que ma vie n'aurait jamais été autre chose qu'une ébauche imprécise, une promesse qui comme beaucoup d'autres serait restée une promesse, l'existence de quelqu'un qui aurait peut-être été mais qui finalement n'aurait pu être.» [Extrait du discours prononcé lors de la réception du prix Nobel de la littérature en 1998.]

Bonne journée! À bientôt...

vendredi 18 juin 2010

Le 18 juin 1940. La bataille de France. L'appel du Général De Gaulle

La bataille de France. L'appel du Général. Une émission; des vidéos; un livre:«Le 18-juin», pour se souvenir.
Une émission. En effet, aujourd'hui, ce 18 juin 2010, marque le 70ème anniversaire de l'appel lancé par le Général De Gaulle depuis Londres. TV5MONDE propose une programmation spéciale qui vous fera revivre les bouleversements qui ont changé la face du monde et la naissance d’une légende. Une émission à ne manquer...

Repassons, brièvement, le fil des évènements qui ont mené à l'appel du Général De Gaulle.

La bataille de France
«La bataille de France» désigne l'invasion allemande des Pays-Bas, de la Belgique, du Luxembourg et de la France en 1940 durant la seconde guerre mondiale. L'offensive commence le 10 mai 1940 en mettant fin à la "drôle de guerre", et se termine le 22 juin par la capitulation des forces armées françaises et la signature de l'armistice du 22 juin 1940 par le gouvernement Pétain.

À l'invasion de la Pologne en septembre 1939, les Alliés déclarent la guerre à l'Allemagne. Mais l'Allemagne, aidée par la Russie, écrase de sa puissance l'armée polonaise. À la défaite polonaise, les troupes françaises quittent les avant-postes de la Sarre et se replient derrière la ligne Maginot.

Les forces du Royaume-Uni qui avait envoyé sur le continent un Corps expéditionnaire britannique s'installent dans l'attente du prochain mouvement allemand, en maintenant un blocus maritime. Cette période de trêve tacite, que l'on surnomma la «Drôle de guerre», dura jusqu'au 9 mai 1940.

L'offensive de l’armée allemande qui a traversé les Ardennes le 10 mai 1940 met donc fin à la "drôle de guerre". Le Général De Gaulle et la 4e DCR tiennent tête aux allemands mais faute de soutien logistique et de renforts le succès n'est pas exploité. Le Général De Gaulle et la 4e DCR tiennent tête aux allemands mais faute de soutien logistique et de renforts le succès n'est pas exploité. Aucune attaque d'envergure ne sera tentée par l'armée française. Les forces françaises et le corps expéditionnaire britannique sont alors enfermés dans une vaste poche autour de Dunkerque et contraintes au rembarquement. Les évènements se précipitent : la Belgique capitule le 28 mai 1940. Le 10 juin 1940, le gouvernement français quitte Paris pour Bordeaux.

La bataille de France est perdue.
Le 14 juin, les blindés allemands atteignent Paris déclarée ville ouverte. En France certains se résignent à la défaite et réclament l'armistice, d'autres veulent poursuivre la lutte comme promis aux Britanniques, en s'appuyant sur l'Empire et notamment l'Algérie. C’est le premier camp qui l’emporte, au terme d’un débat douloureux.

Les réfugiés qui fuient la Belgique et le Nord de la France sont alors rejoints par 2 millions de réfugiés de la région parisienne. Entre le 15 mai et le 10 juin, au moins 6 millions de Français abandonnent leur domicile et participent à l'exode de 1940, se retrouvant sur les routes sous les attaques de la Luftwaffe.

Le général DE GAULLE, secrétaire d'État à la Défense, partisan de la poursuite de la guerre, rejoint Londres, où il prononce son appel devenu célèbre mais passé relativement inaperçu dans le chaos ambiant.

Philippe Pétain devient Président du Conseil et l'armistice est signé le 22 juin 1940. La plus grande partie de la France est occupée par les troupes allemandes, le pays est divisé en une zone occupée et administrée militairement par l'Allemagne (nord, ouest et sud-ouest), et en une zone libre (centre et sud). Le gouvernement de Vichy du maréchal Pétain administre (!) l'ensemble du territoire français .

Des vidéos. Le Figaro.fr présente sur son site une web série, «De Gaulle, l'intégrale»: à voir et à revoir. Le lien vers la page est ici.

Une voix dans la nuit. L'appel du 18 juin 1940.
Alors que les armées françaises sont en pleine débâcle, Charles de Gaulle, tout juste promu général, se rend à Londres pour demander l'aide militaire de Churchill. Lorsqu'il apprend que le maréchal Pétain vient de demander à Hitler les conditions d'un armistice, il décide de lancer un appel à la résistance. Vingt-quatre heures durant, de Gaulle n'aura de cesse de négocier avec les dirigeants britanniques sa diffusion sur la BBC. L'homme qui n'était jusqu'à présent qu'un personnage inconnu de la plupart des Français acquiert d'un seul coup une dimension légendaire.

Acte fondateur de la Résistance, l'appel du 18 juin nous paraît aujourd'hui d'une telle évidence, notamment quant à la victoire future des Alliés, que nous en avons parfois oublié le caractère inouï. Pourtant, deux questions cruciales se posent, s'imposent même.

Comment un homme seul, inconnu du grand public, a-t-il pu s'enquérir d'une telle mission?

Comment de Gaulle a-t-il eu l'audace de transgresser la loi militaire
pour lancer son appel du 18 juin?
Au nom de l'honneur.

Un livre. L'appel du 18 juin, de Jean-Louis Crémieux Brilhac, chez Armand Colin.

«Dans un petit livre nourri de détails parfois cocasses, l'historien de la Résistance, Jean-Louis ¬Crémieux-Brilhac, relate, au jour le jour, et parfois heure par heure, les circonstances du fameux appel du 18 juin, en situant celui-ci dans son contexte tragique: celui d'un «dialogue» entre le maréchal Pétain, qui a demandé aux soldats français de cesser le combat le 17 juin, et son subordonné entré en dissidence en même temps que dans l'Histoire. Deux discours qui seront suivis par d'autres où les deux hommes s'affronteront à travers les ondes.

Un instant fatidique. Ce n'est pas sans un rude combat intérieur que de Gaulle a franchi la ligne rouge», écrit Crémieux¬ Brilhac, qui cite ce passage des Mémoires de guerre où de Gaulle évoque l'instant fatidique où il décide de transgresser la loi militaire au nom d'une raison qu'il estime supérieure: celle de l'honneur.

«À mesure que s'envolaient les mots irrévocables
je sentais en moi-même se terminer une vie, celle que j'avais menée dans le cadre d'une France solide et d'une indivisible armée. À 49 ans, j'entrais dans l'aventure comme un homme que le destin a jeté hors de toutes les séries» Charles De Gaulle

Ne fallait-il pas être habité par un ethos héroïque surhumain pour oser s'inscrire en faux contre l'évidence de l'effondrement de la France et affirmer que le combat devait continuer? C'est ce que pense, à juste titre, Crémieux-Brilhac, qui affirme que le discours du 18 juin démontre à quel point la volonté peut agir sur un destin collectif que l'on jugeait inexorable.

L'événement sera rendu possible grâce à l'extraordinaire intuition de ¬Churchill qui aurait tout aussi bien pu ne pas faire confiance à De Gaulle, en qui il flaira l'homme d'exception. « Vous êtes seul, et bien je vous reconnais tout seul », dira Churchill à de Gaulle durant ces jours sombres. À 18 heures précises, ce 18 juin 1940, soit 125 ans tout juste, jour pour jour, après la défaite de Waterloo, le jeune général se présente à la BBC. «Il fixait le micro comme s'il était la France personnifiée et comme s'il voulait l'hypnotiser», rappellera un témoin. Dans une pièce voisine où l'émission est enregistrée, deux Français entendent l'appel. Louis Marin, qui animera l'émission «Les Français parlent aux Français», et le peintre et journaliste Jean Oberlé, qui laissera échapper ce bon mot. «Eh bien, en voilà un qui sort de la discipline pour entrer dans le Petit Larousse.» On pouvait difficilement mieux dire… »
[ François Paoli ]

Pour sa part, Antoine Fouchet, qui commente le livre de Crémieux-Brilhac, écrit:

«L’Appel du 18 juin 1940 fut diffusé sur la BBC à 22 heures. Il fut rédigé et enregistré, avec la solennité qu’on sait, par le général de Gaulle. Un texte court et incisif, présentant sans complaisance les causes de la défaite face à l’Allemagne et exhortant au sursaut.:
«Nous avons été, nous sommes submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne de l’ennemi»
Charles De Gaulle

«Quoi qu’il arrive,
la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas».
Charles De Gaulle

Soixante-dix ans après, ce texte s’impose dans la mémoire collective française avec la force d’une évidence mythique. Pourtant, comme le raconte l’ancien résistant Jean-Louis Crémieux-Brilhac dans ce petit précis historique bienvenu, le passage sur les ondes de ces quelques phrases aussi passionnées que simples était loin d’être assuré d’avance. Il aurait même pu ne pas se réaliser, c’est dire.»
[...]

Il conclut ainsi:
«En rappelant utilement ces circonstances, Jean-Louis Crémieux-Brilhac, qui fut secrétaire à Londres du Comité de propagande de la France libre, montre l’obstination qu’il fallut dès le début pour construire la victoire. Il révèle, en outre, que les obstacles mirent quelques jours à se dissiper avant que le général de Gaulle puisse prononcer de nouvelles déclarations radiophoniques. La légende de l’Appel du 18 juin, considéré aujourd’hui comme un acte fondateur de la France contemporaine, n’était pas acquise dans un premier temps»

De Gaulle dans le texte
«Nous avons analysé pour vous l’ensemble des discours du général de Gaulle de 1940 à 1945. En ressort un nuage de mots-clés permettant de déterminer l’importance et la récurrence de certains termes dans son vocabulaire. Chacun d’entre eux sur un simple clic, vous enverra vers des vidéos de l’INA.»
Nous... Le Figaro.fr. Le lien vers le nuage est ici.
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Sources:
[] Les articles de TV5MONDE. Commémoration de l'appel du 18 juin 1940. Pour plus d'information, cliquez ici.
[] La bataille de France sur ina.fr. La page est ici.
[] Sur Figaro.fr, la web série «La véritable histoire du 18 juin 1940. Cliquez ici.
[] Sur Figaro.fr, l'article de François Paoli «Un appel dans la nuit». Pour lire l'article, cliquez ici.
[] Pour lire l'article de Antoine Fouchet, cliquez ici.

jeudi 10 juin 2010

Rouen et les impressionnistes. Monet - Pissarro - Gauguin - Lebourg / Le Monde

Le journal Le Monde -et les autres journaux français et d'ailleurs- a répandu la bonne nouvelle de la prestigieuse exposition en cours au Musée des Beaux-arts de Rouen, intitulée «Une ville pour l'impressionnisme, Monet, Pissaro et Gauguin à Rouen», soit: «126 tableaux, dont pas moins de onze exemplaires de la série des "Cathédrales" de Monet (il en a réalisé trente), une réunion qui tient de la performance tant ces œuvres sont dispersées dans les musées du monde et les collections privées». Cette exposition d’envergure a bénéficié de l’aide exceptionnelle de Laurent Fabius. .«"Sans cette aide exceptionnelle, nous n'aurions pas eu les moyens de réunir tant de chefs-d’œuvre", reconnaît Laurent Salomé, le directeur du musée. Des moyens qui lui ont aussi permis de publier un catalogue qui est une référence.»

Saluons cette initiative qui réjouit les yeux, le cœur et l'âme de qui aime le Beau. Une exposition unique qui vaut le déplacement, sans l'ombre d'un doute.

Aux noms célèbres, Monet, Pissarro et Gauguin , le Musée des Beaux-arts de Rouen a eu l’heureuse idée d’associer des peintres moins en vue d'Angrand, Léon-Jules Lemaître, Charles Frechon ou Joseph Delattre. Pour ma part, j'ajoute un peintre que j'admire, Albert Lebourg.

Un bémol.
Les Rouennais sont «ingrats, certainement: un siècle après le fabuleux cadeau de François Depeaux, ils n'ont toujours pas donné à une ruelle le nom de celui que Laurent Salomé qualifie de "plus grand philanthrope ayant vécu dans cette ville."»

François Depeaux. Le Monde résume, dans un ton juste et un tempo enlevé, l’histoire de François Depeaux et de son épouse Marie. L’envoyé spécial écrit «Après Jeanne d'Arc, les Rouennais eussent été fort inspirés de brûler Marie Depeaux.» Voilà de quoi piquer la curiosité… et vous inviter à lire son article.

Si vous n'avez pas l'occasion -que dis-je, la chance, la joie, le bonheur- de vous rendre à Rouen d'ici le 26 septembre 2010, rincez-vous l'œil ici même sur mon blogue, et sur le site que j'ai repéré pour vous, juste pour vous. Et ne lésinez pas de grâce, procurez-vous le catalogue de l'exposition, 472 pages, un presque-livre d'art...

Auparavant, je vous demande de bien vouloir lire ce message:

Les grands peintres de Rouen. Avertissement et Invitation

«Les œuvres présentées sont la propriété de leurs ayant-droits. Il est nécessaire d'obtenir leur autorisation pour toute utilisation commerciale. D'autre part, une reproduction, ne rend jamais parfaitement la qualité et la réalité d'un tableau. Les présentations qui vous sont faites ici* ont aussi pour but de vous donner l'envie d'aller les voir dans les musées! -c'est moi qui souligne, car je fais mien cet objectif-»
* ici réfère au site Internet: http://www.inter-coproprietes.com/jeditoo/france/Normandie/rouen/Rouen-grands-peintres.htm. Pour joindre le site, vous pouvez tout simplement cliquer ici.

Je remercie le site Internet pour les belles, et nombreuses, images qu'il nous donne voir.
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Rouen vu par Monet. La cathédrale de Rouen



Rouen vu par Pissarro. Coucher de soleil sur les bateaux.



Rouen vu par Paul Gauguin.Les toits bleus à Rouen


Rouen vu par Albert Lebourg
. Effet de neige.

En introduction au (grand petit) livre de Merleau-Ponty, L'oeil et l'esprit (Folio - Essai), Claude Lefort écrit: «La méditation sur la peinture donne à son auteur la ressource d'une parole neuve, tout proche de la parole littéraire et même poétique...»

Pour ma part, je souhaite que la méditation ou, à tout le moins, la contemplation des œuvres des Impressionnistes régale votre œil et réjouisse votre esprit, et vous procure un instant d'évasion loin de ce monde, souvent, bien terne et bien triste...

Bonne journée!
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[] Pour de plus amples renseignements, accédez au site du Musée des Beaux-arts de Rouen, en cliquant ici.
[] «Une ville pour l'impressionnisme, Monet, Pissarro et Gauguin à Rouen», Catalogue, éd. Skira/Flammarion, 2010, 472 pages.

dimanche 6 juin 2010

Fred Pellerin - Un conteur à Paris / Ailleurs, un conte. Poésie.

«En lever de rideau», Le Monde publiait récemment un article sur Fred Pellerin, un conteur à la conquête de Paris. Macha Séry écrit: «Imaginez, disons, un mélange entre Henri Gougaud et Jamel Debbouze, Yannick Jaulin et Gad Elmaleh. Pas sûr, certes, qu'il aurait la frimousse de Fred Pellerin qui, à 33 ans, ajoute la blondeur à la minceur, porte menton pointu et lunettes rondes. Nul doute, en revanche, qu'il allierait art du récit ancestral et sens naturel de l'improvisation comique. Profession? Conteur. Et encore? Homme-orchestre, guitare, mandoline et harmonica. Quoi d'autre? Chef d'une famille nombreuse, cocasse et causante.»(1) Cette famille est le bled de St-Élie-de-Caxton, au Québec.(2).

À l'oral. «Aux parlures d'origine, aux tournures de vieux français auxquelles il rend saveur et malice, ce fabuliste ajoute l'invention verbale, le goût des néologismes, la distorsion du langage, la drôlerie.»(1)
À l'écrit. «A l'écrit, la langue épouse la poésie (épure des phrases, évidence des images, jeux de mots) et à l'oral, la vivacité d'un dialogue né des réactions du public, de l'humeur d'un soir.»(1)

Dans l'article du Monde, on louange le spectacle de Fred Pellerin «L'arracheuse de Temps», fort apprécié des Français «ébaubis». Quant à moi, je vous présente un conte plein de poésie, et de finesse intitulé «Ailleurs», tiré du livre «Il faut prendre le taureau par les contes». (3)

AILLEURS
un conte de Fred Pellerin

Saint-Élie de Canon, qui se défendit de l’invasion par la bouche de ses refrains, c’est mon village. Un siège de cet écho lointain qui vous habite jusqu’au bout du monde. Enveloppant come une mélodie de mère berçante dont les notes se croisent sans heurt. Saint-Élie de Canon : un accord signé. Et si la paix impose son lot de sacrifices vocaux, on trouve toujours une miséricorde pour s’en occuper. Babine fut celui qui paya cher le bonheur des autres.
Après toutes ses condamnations accumulées, on comprend bien que notre fou avait l’amour propre lessivé. La nouvelle de son départ récit à une réaction générale.
_ Va voir ailleurs!
_ C’est où, Ailleurs?
_ C’est par là!
Chez nous, ça fonctionnait ainsi : tu montres la lune, le fou regarde le doigt. Tu montre le doigt, le fou regarde le soleil. Et ce matin-là où Bobine décida de se lancer, on lui indiqua l’Est en précisant que c’était loin, mais que ça promettait grand. Il ramassa quelques cossins (affaires) dans un sac de toile. Il siffla son chien et s’orienta le capot vers le levant.

Quelques jours qu’il mijotait depuis qu’on lui avait soufflé mot, et Ailleurs avait pris des proportions paradisiaques. Il concevait Ailleurs comme un village de contes. Un patelin parfait. Ailleurs… Saint-Ailleurs de Canon, peut-être. Lui qui n’était jamais sorti de l’alentour restreint, voilà qu’il foulait le chemin de l’utopie. Ses suyiers (souliers) neufs dans les pieds, ses divagues à l’âme menaient le pas. Il traverse le village pour une dernière fois, le cap à l’Est.

Il passa bientôt la traque de Charette, puis continua vers Sainte- Barnabé-Nord. Toujours par là, riant, pour une vie nouvelle. Il fantasmait les habitants de Saint-Ailleurs de Canon, tout de plaisirs vêtus, habillés en bonheur deux-pièces, de la tête aux pieds. Surtout, il croyait marcher vers un monde où chacun serait un et pas moins. Une place où il ferait partie du tout, où on le prendrait pour autre chose que rien. Enfin, une manière de renouer avec sa première personne du singulier.
Puis, il tenait bon. Il passa le rang de la Grande-Rivière, traversa Yamachiche. Toujours par là, sans dévier d’un degré…

***
Arrivé au soir, il n’avait déniché aucune pancarte affichant sa destination ou quelque nom similaire. IL pensa en lui-même que la route s’allongeait plus que prévu. Et en même temps qu’il craignait d’avoir manqué une fourche. Il se consolait que plus ça allait être loin, plus il aurait loisir de se faire une idée. Moins il arriverait à destination et plus le rêve resterait intact longtemps. Avec un peu de chance, il pourrait inventer et inventorier mentalement tous les petits racoins de sa nouvelle ville. Plus c’est loin, plus on voit grand.La nuit lui tomba dans les jambes, Fatigué, il franchit le fossé pour se racotiller (recroqueviller) en petite boule dans les herbes hautes. Il se déchaussa, se fit une tranche de pain beurrée de misère. Avant de s’endormir, il prit soin de vérifier que ses suyiers (souliers) soient bien en place. Pour se rappeler là où il allait, il les stationna pointant vers l’Est. Comme ça dès le réveil, il partirait de l’avant. Ça lui éviterait les détours. La tête sur son baluchon, son chien couché le long de son dos, Babine marcha pieds nus sur le chemin des songes. Ses suyers restèrent éveillés, toujours à l’affût de la visée de demain.

Le monde de Fred Pellerin. Le village de St-Élie-de-Caxton.



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[] (1)«En lever de rideau», Le Monde publie un article sur Fred Pellerin, un conteur à la conquête de Paris. Macha Séry. Article paru dans l'édition du 30.05.10. Pour lire l’article, cliquez ici.
[] (2) Pour voir «le monde de Fred», cliquez ici.
[] (3) Fred Pellerin, Il faut prendre le taureau par les contes, Éditions Planète Rebelle, Livre et CD, «Ailleurs», p.93 à p.95.
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