«La Vie moderne», de Raymond Depardon. Production et prise de son Claudine Nougaret. Ce film est le dernier d'une trilogie formée par: L'Approche, Le Quotidien, et La Vie moderne. Présenté au Festival de Cannes, il vient de remporter, dans la section «Un certain regard», le prestigieux Prix Louis-Delluc, décerné depuis 1937. «Les Bas-fonds» de Jean Renoir est le premier lauréat du Prix Louis-Delluc.* «La Vie moderne» sera bientôt sur nos écrans, de même qu'en DVD. La trilogie devrait être disponible en coffret.
Ce que je pense du film
On parcourt les routes des Cévennes, cahoteuses et onduleuses, assis dans l'auto avec Raymond Depardon et Claudine Nougaret, en écoutant la Pavane de Gabriel Fauré. On a le temps d'admirer le paysage d'une beauté grandiose, et de voir la lumière naturelle qui se dégage des Cévennes. Une lumière claire, sans filtre grisâtre. On sait, d'emblée, que l'air est aussi pur que les espaces montagneux sont vastes.
Invisible, on entre dans la cuisine des paysans attablés. On écoute leurs réponses aux questions posées par Raymond Depardon. Des paroles rares, et mesurées, livrées avec une simplicité et un naturel désarmants. Tout de suite, on s'attache à ces êtres criants de vérité qui «nous» reçoivent dans leur cuisine. On écoute leur silence, sans malaise: c'est le temps qui s'écoule dans le sablier. On s'aperçoit, à la question suivante, que Raymond Depardon en a capté le sens. Parfois, il insiste, quelque peu, pour avoir une réponse. Mais, sans pour autant, les bousculer: c'est là une attitude patiente et respectueuse.
On a le temps d'observer leurs expressions, leurs mimiques qui en disent long. On jette un coup d'œil discret autour -par exemple, on remarque un crucifix-, mais sans que la caméra fouine dans la pièce. On entend le tic tac de l'horloge, et autres bruits familiers de la maison... plutôt silencieuse. Claudine Nougaret nous a épargné les cocoricos, les glouglous... Ni la prise de son ni la caméra ne sont envahissantes: on se sent pas leur présence, et les paysans n'ont plus. Une petite exception, de courte durée: une vieille dame, aux cheveux blancs comme neige, offre des biscottes à Claudine Nougaret, il est 7 heures... On tombe sur le charme.
Les problèmes abordés sont sérieux: difficultés économiques, solitude, isolement, absence de relève, les jeunes qui fuient la campagne, la vieillesse... Il est étonnant qu'en si peu de paroles, on a tout appris, tout compris... J'en arrive à penser qu'au commencement était le silence, puis vint le verbe, et les paroles tombèrent en gouttes perlées, rares et précieuses. C'était dans le Temps d'avant le Temps. Je dirais l'Avant-Temps. Aujourd'hui, on est pressé, on parle vite et fort. On ne s'entend plus parler...
Sauf, bien sûr, chez les paysans des Cévennes... Ce sont, entre autres, les deux frères Raymond et Marcel Privat, de plus de 80 ans, et leur neveu Alain et sa nouvelle, et rebelle, épouse (venue du Pas-de-Calais), Cécile. La fille de celle-ci, âgée de 15 ans, compte reprendre la ferme plus tard. C'est Paul Argaud, vaguement protestant, qui regarde à la télévision la messe célébrée à l'occasion du décès de l'Abbé Pierre -qu'il aimait bien. Ce sont aussi de jeunes couples avec leurs jeunes enfants. L'un d'eux, un garçonnet, dira que, plus tard, il veut faire le même métier que papa, qu'il ne veut pas aller à la ville. Il y a de l'espoir, comme le constate Raymond Depardon.
Je ne pense que du bien de ce film. De ce film nous fait du bien. Je parie qu'il peut apporter de la sérénité dans votre vie, car il est à l'image de la vie... Quand on pense que tout est fini, rien n'est fini: tout peut recommencer... autrement.
La Vie moderne. Moderne?
Que veut dire ce titre? Certains y voient une douce ironie. Vraiment? D'abord, il faut savoir que c'est Claudine Nougaret qui l'a choisi. Lisez ce qu'en dit Raymond Depardon:
__«Elle (Claudine Nougaret) ne voulait pas que le film tende vers quelque chose de nostalgique, de négatif. Pour la première fois (par rapport aux 2 précédents films de la trilogie), dans La Vie moderne, on décèle de l'espoir.»
__ «Sur bien des aspects, notamment écologiques, ils sont en avance sur les gens de la ville. Eux, ils préservent la planète, mais on ne le sait pas parce qu'on ne s'intéresse plus à eux... Et sans doute qu'ils tiendront plus longtemps que nous. Ce film est résolument tourné vers l'avenir. (...)»
__ «Je trouve que, finalement, ils sont très proches de nous. (...) Plus que je ne le pensais. C'est pour cela que La Vie moderne est bien ancrée dans le présent. (...). Ce n'est pas «un monde qui disparaît» ou «un monde à part», c'est un monde qui n'est pas si éloigné du nôtre. Ils n'attendent plus rien de personne. Ils savent qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Comme nous.»
La bande-annonce du film: «La Vie moderne», de Raymond Depardon
Pour voir l'entrevue de Élise Chassaing avec Raymond Depardon, sur Arte Culture, à l'occasion du Festival de Cannes, cliquez ici.
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* Je vous suggère d'aller faire un tour sur Wikipédia pour constater l'excellence incontestable des films et cinéastes qui ont reçu le Prix Louis-Delluc, une récompense cinématographique française annuelle. Suivez le lien...
Ce que je pense du film
On parcourt les routes des Cévennes, cahoteuses et onduleuses, assis dans l'auto avec Raymond Depardon et Claudine Nougaret, en écoutant la Pavane de Gabriel Fauré. On a le temps d'admirer le paysage d'une beauté grandiose, et de voir la lumière naturelle qui se dégage des Cévennes. Une lumière claire, sans filtre grisâtre. On sait, d'emblée, que l'air est aussi pur que les espaces montagneux sont vastes.
Invisible, on entre dans la cuisine des paysans attablés. On écoute leurs réponses aux questions posées par Raymond Depardon. Des paroles rares, et mesurées, livrées avec une simplicité et un naturel désarmants. Tout de suite, on s'attache à ces êtres criants de vérité qui «nous» reçoivent dans leur cuisine. On écoute leur silence, sans malaise: c'est le temps qui s'écoule dans le sablier. On s'aperçoit, à la question suivante, que Raymond Depardon en a capté le sens. Parfois, il insiste, quelque peu, pour avoir une réponse. Mais, sans pour autant, les bousculer: c'est là une attitude patiente et respectueuse.
On a le temps d'observer leurs expressions, leurs mimiques qui en disent long. On jette un coup d'œil discret autour -par exemple, on remarque un crucifix-, mais sans que la caméra fouine dans la pièce. On entend le tic tac de l'horloge, et autres bruits familiers de la maison... plutôt silencieuse. Claudine Nougaret nous a épargné les cocoricos, les glouglous... Ni la prise de son ni la caméra ne sont envahissantes: on se sent pas leur présence, et les paysans n'ont plus. Une petite exception, de courte durée: une vieille dame, aux cheveux blancs comme neige, offre des biscottes à Claudine Nougaret, il est 7 heures... On tombe sur le charme.
Les problèmes abordés sont sérieux: difficultés économiques, solitude, isolement, absence de relève, les jeunes qui fuient la campagne, la vieillesse... Il est étonnant qu'en si peu de paroles, on a tout appris, tout compris... J'en arrive à penser qu'au commencement était le silence, puis vint le verbe, et les paroles tombèrent en gouttes perlées, rares et précieuses. C'était dans le Temps d'avant le Temps. Je dirais l'Avant-Temps. Aujourd'hui, on est pressé, on parle vite et fort. On ne s'entend plus parler...
Sauf, bien sûr, chez les paysans des Cévennes... Ce sont, entre autres, les deux frères Raymond et Marcel Privat, de plus de 80 ans, et leur neveu Alain et sa nouvelle, et rebelle, épouse (venue du Pas-de-Calais), Cécile. La fille de celle-ci, âgée de 15 ans, compte reprendre la ferme plus tard. C'est Paul Argaud, vaguement protestant, qui regarde à la télévision la messe célébrée à l'occasion du décès de l'Abbé Pierre -qu'il aimait bien. Ce sont aussi de jeunes couples avec leurs jeunes enfants. L'un d'eux, un garçonnet, dira que, plus tard, il veut faire le même métier que papa, qu'il ne veut pas aller à la ville. Il y a de l'espoir, comme le constate Raymond Depardon.
Je ne pense que du bien de ce film. De ce film nous fait du bien. Je parie qu'il peut apporter de la sérénité dans votre vie, car il est à l'image de la vie... Quand on pense que tout est fini, rien n'est fini: tout peut recommencer... autrement.
Par conséquent, je vous conseille sans réserve, le film «La Vie moderne», de Raymond Depardon. Vous verrez, il mérite amplement, le Prix Louis-Delluc.
Pour compléter mes propos
Je juge indispensable de préciser le sens donné au titre du film: cela permettra d'éviter des méprises. La Vie moderne. Moderne? C'est le cinéaste lui-même qui s'en chargera.
Une courte séquence de la bande-annonce vous donnera «une petite idée» du film. Ma préférée aurait été celle des frères Raymond et Marcel Privat (la prochaine fois, on me demandera -sûrement- mon avis...).
Entendre Raymond (83 ans, le plus jeune des 2 frères) qui doit devenir berger (Marcel n'est plus capable d'aller garder les brebis - ce qu'il a fait toute sa vie), entendre Raymond dire, avec ardeur «Il ne faut pas aimer son métier, il faut être passionné», voilà de quoi vous couper le souffle.
Enfin, qui de mieux que Raymond Depardon, qui se désigne comme «l'homme-caméra», pour parler du tournage de son film, et de bien d'autres choses qui concernent son film? Je vous propose une entrevue des plus intéressantes.Pour compléter mes propos
Je juge indispensable de préciser le sens donné au titre du film: cela permettra d'éviter des méprises. La Vie moderne. Moderne? C'est le cinéaste lui-même qui s'en chargera.
Une courte séquence de la bande-annonce vous donnera «une petite idée» du film. Ma préférée aurait été celle des frères Raymond et Marcel Privat (la prochaine fois, on me demandera -sûrement- mon avis...).
Entendre Raymond (83 ans, le plus jeune des 2 frères) qui doit devenir berger (Marcel n'est plus capable d'aller garder les brebis - ce qu'il a fait toute sa vie), entendre Raymond dire, avec ardeur «Il ne faut pas aimer son métier, il faut être passionné», voilà de quoi vous couper le souffle.
La Vie moderne. Moderne?
Que veut dire ce titre? Certains y voient une douce ironie. Vraiment? D'abord, il faut savoir que c'est Claudine Nougaret qui l'a choisi. Lisez ce qu'en dit Raymond Depardon:
__«Elle (Claudine Nougaret) ne voulait pas que le film tende vers quelque chose de nostalgique, de négatif. Pour la première fois (par rapport aux 2 précédents films de la trilogie), dans La Vie moderne, on décèle de l'espoir.»
__ «Sur bien des aspects, notamment écologiques, ils sont en avance sur les gens de la ville. Eux, ils préservent la planète, mais on ne le sait pas parce qu'on ne s'intéresse plus à eux... Et sans doute qu'ils tiendront plus longtemps que nous. Ce film est résolument tourné vers l'avenir. (...)»
__ «Je trouve que, finalement, ils sont très proches de nous. (...) Plus que je ne le pensais. C'est pour cela que La Vie moderne est bien ancrée dans le présent. (...). Ce n'est pas «un monde qui disparaît» ou «un monde à part», c'est un monde qui n'est pas si éloigné du nôtre. Ils n'attendent plus rien de personne. Ils savent qu'ils ne peuvent compter que sur eux-mêmes. Comme nous.»
La bande-annonce du film: «La Vie moderne», de Raymond Depardon
Pour voir l'entrevue de Élise Chassaing avec Raymond Depardon, sur Arte Culture, à l'occasion du Festival de Cannes, cliquez ici.
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* Je vous suggère d'aller faire un tour sur Wikipédia pour constater l'excellence incontestable des films et cinéastes qui ont reçu le Prix Louis-Delluc, une récompense cinématographique française annuelle. Suivez le lien...