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vendredi 5 février 2010

B. Extraits - Critiques / Romance nerveuse - Camille Laurens

Extraits - Critiques. Avec ce 2e billet, nous terminons le tour d'horizon de «Romance nerveuse», de Camille Laurens: des extraits tirés de son livre auxquels s'ajoutera un extrait lu par l'auteur; des critiques sur son roman. Je vous dirai ce que j'en pense... Tout d'abord, une surprise! Saviez-vous que Camille Laurens a déjà écrit un livre, en 2001, portant le titre de... «Romance», tout court? Ah ben, dis donc, ça alors! De quoi s'agit-il?

«Chansons, maisons, frissons. Héros des stades, bourreaux des cœurs. Idylles, hymens, séparations. Ces fragments assemblés forment une vie, des vies, une succession d'images qui se ressemblent sans se répéter tout à fait. Mythologie familiale, histoire d'amour? Et si Romance n'était pas ce roman, mais un écran qui cache autre chose? Si l'on s'était laissé prendre à l'illusion ? Et si, en donnant un léger tour au kaléidoscope, c'était la reconstitution d'un meurtre qui, sur un air de valse, se dessinait?» [Quatrième de couverture]. Dans l'actualité, personne, à ma connaissance, n'a fait référence à cette ancienne romance. 2001... c'est loin dans le temps!
Décidément, Google est bien bavard! Mais cette fois-ci, la romance est nerveuse...
[Image: la carte de Djerba, Tunisie]

Romance nerveuse, Camille Laurens

Des extraits commentés

«Romance nerveuse», roman autofictionnel, est divisé en 2 parties: I. Borderline, p.11; II. La vraie vie, p.149.

Il s'ouvre ainsi: «Tu m'as envoyé ce matin sans un mot le lien vers un site de statistiques. Il y a eu aujourd'hui 218 799 naissances dans le monde...», s'ensuit un défilé de statistiques qui se termine par: «... ce qui s'additionne là se soustrait à tout, ce qui se retranche s'ajoute, les chiffres enterrent les visages et les noms, il n'y a pas de bord, pas de fin, c'est sans limites: on ne compte plus.
Alors on peut commencer.» [p.13-14]

On (le lecteur) plonge dans une scène qui se déroule à Djerba où Laurence et Agnès et ses enfants sont en vacances.
«Au début de l'été, une romancière qui publie chez le même éditeur que moi a fait paraître Dolorosa, un roman dans lequel la narratrice, sous forme de lamentation intime, pleure la mort de son fils, sa mort de papier

L'histoire de Philippe (son fils, mort après quelques heures de vie), son conflit avec Georges L. son ex-éditeur... des épisodes de sa vie, sont repris et interprétés -romancés?- encore une fois. L'actualité littéraire nous les a rendus familiers...

Après avoir évoqué Barthes qui «disait qu'écrire sur quelque chose, c'est le périmer: c'est exactement ça, son livre met une date de péremption au chagrin, le consomme, et donc le détruit», le roman glisse vers une fabulation: «Tu imagines, Hervé Guibert dans une petite maison d'édition, disons Minuit, Guibert qui aurait tous ses livres chez Minuit, un jour un autre écrivain...». [p.20] La narratrice reprend sa propre histoire! Le lecteur a compris... même avant de lire ce livre. [1]

«Sur le chemin du retour -après une rencontre avec son éditeur- cette phrase m'a poursuivie,"Ça commence à faire longtemps, Philippe". Liquidation du deuil, enterrement d'un livre?» [p.22] Même dans son aventure scabreuse, Laurence reviendra sur son «histoire». Ouf! Re-ouf!

«Je ne sais pas ce qui s'est passé au juste - pourquoi ce fol attachement.»
Pour écouter Camille Laurens lire un extrait de son livre «Romance nerveuse», cliquer ici.


Des critiques du livre

Un fait est indéniable, Camille Laurens écrit bien. Mais... car il y a un mais... qui plane sur sa «Romance nerveuse». Voici quelques commentaires.
[] «Laurence n'est pas dupe, ni surtout Ruel -son fantôme à elle, son double cérébral: entre l'intellectuelle et le sauvage, c'est l'alliance de la carpe et du lapin, du parapluie et de la machine à coudre. Mais qu'importe! Et l'on suivra cette longue -trop longue? -romance jusqu'au chaos mental du paparazzi. (...) Un livre poignant.» Marianne Payot(2)

[] «Avec Romance nerveuse, Camille Laurens, en pleine forme, renoue avec la verve de Dans ces bras-là. Le paparazzi partage le goût de l’écrivain pour les blagues, style «tu te rases parce que je te barbe». C’est leur terrain d’entente:«Sa joie à rire des mots ramenait le désir.» Entre l’Almanach Vermot et les sentences lacaniennes, on peut dire de leur romance «C’était du décousu main.» Claire Devarrieux(3)

[] «Masochiste, prête à tout pour une œillade, un baiser, elle dissèque sa douleur, se regarde encore et encore pour recomposer sa souffrance, la revivre afin de l'écrire. Jamais peut-être Camille Laurens n'a été aussi près de son lecteur, pour lui dire ce qu'elle est: une femme et un écrivain, une romancière qui ne cherche pas à sortir grandie d'une histoire futile avec un homme sans gravité, mais demeure suffisamment vivante pour consigner ce qu'elle a perdu.» Christine Ferriot(4)

[] «Flagellation. Au milieu du roman, on commence à en avoir marre de cette relation. Pour elle, mais aussi pour nous, lecteurs, impuissants face à cette auto flagellation. Cette romance nerveuse avance de trois pas, recule de deux. Camille Laurens écrit dans un souffle, avec de longues phrases ponctuées de virgules où se mélangent les réflexions de Laurence et les dialogues. Elle arrive à nous transmettre la «nervosité» de sa romance, mais il en résulte de la lassitude pour le lecteur. L’histoire ne décolle pas. Dommage.» Véronique Beaudet(5)

Des mots-clés reviennent: longue -trop longue? romance; masochiste; «elle dissèque sa douleur, se regarde encore et encore pour recomposer sa souffrance... »; du décousu main; en avoir marre, lassitude.
À chacun de se faire une idée, de savoir ce qu'il peut supporter.

Ce que j'en pense
Deux mots pour dire ce que j'en pense: romance énervante. Je trouve insupportable le «grattage de bobos», le «je-me-moi, moi-même», le «voyez-ce-qu'On M'a fait endurer».

J'ai, probablement, trop lu de livres portant sur la guerre et autour de la guerre, sur l'indicible douleur des pères et mères devant la mort de leurs fils, qu'ils ne pourront même pas enterrer; des livres sur la misère des mères et des enfants... pour supporter ce long lamento -lamento si beau dans les arias- pour apprécier la «Romance nerveuse». Il faut m'en excuser...

Bonne lecture! Vous pouvez m'envoyer vos commentaires, en cliquant sur l'enveloppe pré-adressée. Merci d'avance.
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(1) Ce passage qu'un éditeur attentif aurait élagué... a le mérite de ramener à notre mémoire Hervé Guibert dont j'ai lu un livre des plus hilarants «La chair fraîche et autres textes».
(2) Marianne Payot, «Camille Laurens revient sur une Romance nerveuse», L'Express. Lire l'article ici
(3) Claire Devarrieux, «La pizza du paparazzi». Libération Lire l'article ici.
(4) Christine Ferriot, «Romance nerveuse», Télérama. Lire l'article ici.
(5) Véronique Beaudet, «Camille Laurens, Romance nerveuse». Canoë. Lire l'article ici.
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