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vendredi 19 février 2010

BHL - Botul - Kant / La guerre en philosophie - Bernard-Henri Lévy

BHL - Botul - Kant: un trio d'enfer! Bernard-Henri Lévy -qui publie «La guerre en philosophie»- ne s'est pas fait piéger... il s'est piégé lui-même. Il n'est pas tombé dans une chausse trappe. Il n'est pas victime d'un canular. Il est plutôt «victime d'un auto-entartage» - Fédéric Pagès(1). Qui peut croire à ça: un philosophe méconnu, nommé Jean-Baptiste Botul... a donné une série de conférences néo-Kantiennes..., au lendemain de la Seconde Guerre mondiale..., au Paraguay? Personne: ça sent le poisson d'avril à plein nez. Il est vrai qu'en hiver, l'odeur est moins forte. Un philosophe? Oui, BHL, le premier et le seul adepte sérieux de Botul! «Renseignement pris, personne ne s'était encore jamais pris sans airbag cet énorme platane. C'est désormais chose faite» - Aude Lancelin(2). On s'en amuse, car la boulette (de poisson) prête au ridicule. Elle soulève aussi plusieurs questions... sérieuses. Tour d'horizon. Questionnement et inquiétudes.

Tour d'horizon

Le court essai (128p.) de Bernard-Henri Lévy, «De la guerre en philosophie», passera sûrement à la prospérité, sous l'enseigne de l'hilarité, et rapprochera -de generationes ad genenerationem (c'est pour faire chic) -son nom, réduit à la quintessence des 3 lettres de son nom BHL, à celui Botul, deux calés en philosophie. Kant, lui, n'a besoin ni de BHL ni de Botul: il est reconnu comme l'un des plus grands philosophes allemands depuis le 18è siècle.
Mais, ce n'est pas l'opinion de BHL. Examinons donc l'association BHL/Botul. Mais attardons-nous, en premier lieu, à l'essai.

Bernard-Henri Lévy, De la guerre en philosophie. Grasset, 2010.
Sur la quatrième de couverture, on lit: «Le 6 avril 2009, Bernard-Henri Lévy a prononcé [...] une conférence intitulée: "Comment je philosophe ". [...] C'est ce texte qui, repris, aiguisé, remis sur le métier, a fait la matière de ce livre-programme. De la vanité du dialogue en philosophie; de l'utilité d'avoir des ennemis quand on entend rompre avec la dictature de l'Opinion; contre l'illusion des consensus dans la pensée; qu'il faut, plus que jamais, parier sur l'existence de la vérité en ces temps de nihilisme quasi achevé; pourquoi un philosophe d'aujourd'hui ne peut être, somme toute, qu'un guerrier: tels sont quelques-uns des thèmes de ce manuel pour âges obscurs où l'auteur "abat son jeu " et dispose, chemin faisant, les pierres d'angle d'une métaphysique à venir.»
.― Or, dans ce texte repris, aiguisé, remis sur le métier (de Boileau), le dit philosophe qui soumet un livre-programme, le philosophe-guerrier, se lance à l'assaut de Kant.

En hommage à Molière, à l'occasion du 337e anniversaire de sa mort survenue le 17 février 1673, à 51 ans, présentons la scène à l'avenant du ridicule dont se couvre BHL.
Se précipitant sur toutes les tribunes, «chemise au vent et sans crampons» (Aude Lancelin), le Don Quichotte de la philosophie, revêtu de son armure de certitudes, protégé par le bouclier de la Vérité, s'élança avec fougue pour combattre le géant Kant. Résolu à lui asséner le coup fatal, il frappa d'estoc et de taille, et remporta le combat. Kant gisait au sol, foulé aux pieds par Botul, le maître d'armes brandissant son chef-d'œuvre «Vie sexuelle d'Emmanuel Kant». Il s'élança et cria à pleins poumons...

... un extrait de son récent essai «De la guerre en philosophie»:
«... Ou bien encore Kant, le prétendu sage de Königsberg, le philosophe sans vie et sans corps par excellence, dont Jean-Baptiste Botul a montré, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans sa série de conférences aux néo-kantiens du Paraguay que leur héros était un faux abstrait, un pur esprit de pure apparence - et cela à deux titres au moins: le concept de monde nouménal où s’entend l’écho d’une jeunesse spirite, vécue parmi les ombres et les limbes, dans un royaume d’êtres énigmatiques et accessibles par la seule télépathie; l’idée, ensuite, des catégories de l’entendement, la manie du transcendantal, l’obsession de catégories rigides fonctionnant comme un corset et qui semblent parfois là pour contenir une folie souterraine, donner forme au flux chaotique des sensations, faire barrage à la confusion mentale dont les biographes savent, aujourd’hui, qu’elle le menaçait plus qu’aucun autre - Kant, ce fou furieux de la pensée, cet enragé du concept, dont toute la Critique de la raison pure pourrait se lire, dans ce cas, comme le récit d’un drame intime, une autobiographie secrète et cryptée…. »[p.122]

Jean-Baptiste Botul (1896-1947) venait d'accéder à la célébrité
«Il en sait des choses , Bernard-Henry Lévy. Le néo-kantisme d'après-guerre. La vie culturelle paraguayenne. Seul problème, Jean-Baptiste Botul n'a jamais existé. Pas plus que ses conférences dans la pampa, auxquelles BHL se réfère avec l'autorité du cuistre. Ce penseur méconnu est même un canular fameux. Le fruit de l'imagination fertile de Frédéric Pagès, agrégé de philo et plume du «Canard enchaîné", où il rédige notamment chaque semaine «Le journal de Carla B.». Un traquenard au demeurant déjà bien éventé depuis la parution de la «Vie sexuelle d'Emmanuel Kant», pochade aussi érudite qu'hilarante, publiée en 1999 et rééditée en 2004 aux éditions Mille et une nuits, sous le pseudonyme de Botul.»(2)

Questionnement. Inquiétudes

BHL a fait contre mauvaise fortune... de l'humour, et quelques pirouettes. Grégoire Leménager en rend compte dans un billet:
«BHL a-t-il vraiment lu Botul? (parce que si oui, c'est inquiétant...):
«Bernard-Henri Lévy est donc heureux, presque fier de s’être «laissé piéger» par un «très brillant et très crédible canular sorti du cerveau farceur d'un journaliste du "Canard enchaîné"» Il crie «Vive Jean-Baptiste Botul!». Il admire Frédéric Pagès d'avoir si bien prêté sa plume à ce philosophe imaginaire dans la Vie sexuelle d'Emmanuel Kant», et affirme même s'être «laissé prendre [par son livre] comme s'y sont laissés prendre, avant [lui], les critiques qui l'ont recensé au moment de sa sortie». Curieusement, de son côté, ledit Frédéric Pagès ne semble pas se souvenir que quelqu'un soit déjà tombé dans le panneau; mais comme dit Christine Angot, qui n'est pas non plus la première philosophe venue, BHL «a de la mémoire, c'est ça qui importe le plus.»(3)
[] Pour ma part, j'estime que si BHL n'a pas lu Botul, pour peaufiner le texte de sa conférence, «ce texte qui, repris, aiguisé, remis sur le métier...», c'est aussi inquiétant.
[] Autre sujet d'inquiétude: Les nombreux journalistes, critiques, intervieweurs qui lui ont offert leur tribune ont-ils lu l'essai de 128... pages? L'éditeur? Si oui, on peut se demander à qui on peut se fier. Si non... ce n'est guère mieux.
[] Heureusement que parmi les trompettes et les roulements de tambour d'une presse complaisante, s'est élevé une voix: celle de Aude Lancelin, de BibliObs. C'est elle qui a dévoilé la «boulette atomique qui soulève pas mal de questions sur les méthodes de travail béhachéliennes.»(2)
[] Pour sa part, «Frédéric Pagès, qui a exprimé dans le "Canard enchaîné" sa "compassion à l'égard de ce pauvre philosophe [BHL]", au nom des "Amis de Jean-Baptiste Botul", s'est étonné qu'il «n'ait pas senti qu'il s'agissait d'une fable» avant d'ajouter: "Cela pose une question sur sa façon de travailler."»

Je pensais terminer ici mon billet. Mais, voilà que BHL s'en prend à Aude Lancelin. Profitant de la tribune de «On n'est pas couché», sur Tv5, il a tenu des propos forts malveillants à son endroit. Il aurait fait mieux, à mon avis, de s'en tenir à sa version humoristique. Je décèle dans ses propos et son ton revanchard une odeur de vengeance dirigée contre la journaliste -qui a simplement fait son métier. Mais -crime de lèse-majesté- elle a crevé l'«énheaurme» baudruche publicitaire de BHL.

Aude Lancelin: «Ainsi ai-je le regret de devoir préciser à Bernard-Henri Lévy que ses allégations sont mensongères. Tout autant que les insinuations contenues dans un article intitulé «Les étranges méthodes d'une journaliste du Nouvel Observateur», mis en ligne sur son site officiel, bernard-henri-levy.com, le 10 février dernier. [Les commentaires assurent que les propos de Aude Lancelin sont justes: ils ont été vérifiés...]
«Compte tenu des proportions prises par le «Botul gate», notamment dans la presse étrangère, conséquences qui me dépassent largement et ont pu entraîner des excès, Bernard-Henri Lévy a bien entendu le droit de se défendre. Le sens de l'humour inoxydable qu'il revendique depuis quelques jours devrait lui permettre de le faire autrement que par la diffamation(4)
.― Que cherche BHL? Discréditer la journaliste pour se disculper... J'y vois un faux pas de plus. Et, comme dirait l'autre, dans la mauvaise direction.
·―Le portrait que Christine Angot dresse de lui, dans Le Point, «BHL par Angot: Plexus, solaire» ne suffit à redorer son blason?(5) Et la complaisance des médias parisiens, qui étonne à l'étranger, ne suffit pas plus?(6)

Dommage, mais si BHL est l'objet d'un «Botul gate», c'est sa faute. Il n'a qu'à s'en prendre à lui, et à Botul... que je cite à l'instant:

«J'ai touché un géant de la pensée qui, en basculant, m'a écrasé de son poids»
Jean-Baptiste Botul, La vie sexuelle d'Emmanuel Kant, p.9

Bonne Journée! Prenez la vie du bon côté...
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Psitt! L'œuvre de Jean-Baptiste Botul comprend 4 volumes. La vie sexuelle d'Emmanuel Kant; La métaphysique du mou; Nietzsche et le démon de midi. En collaboration avec Henri-Désiré Landru, Landru, précurseur du féminisme. Le philosophe Botul n'existe pas, mais son œuvre existe, puisqu'elle est publiée aux Éditions Mille et une nuits. Petits prix, grands textes.
[]
(1) Frédéric Pagès, BHL victime d'un auto-entartage, Le Canard enchaîné, no 4659. Lire l'article ici.
[] (2) Aude Lancelin, BHL en flagrant délit: l'affaire Botul, sur BibliObs. Lire l'article ici.
[] (3) Grégoire Leménager, BHL a-t-il vraiment lu Botul? (parce que si oui, c'est inquiétant...), sur BibliObs. Lire l'article ici. On y trouve quelques détails croustillants, et hilarants, sur la vie sexuelle de Kant. Le faux Kant...
[] (4) Aude Lancelin, Réponse à Bernard-Henri Lévy, sur BiblioObs. Lire l'article ici.
[] (5) Christine Angot, BHL par Angot: Plexus, solaire, Le Point. Lire l'article ici.
[] (6) Lionel Chiuch, Bernard-Henri Lévy, le savoir-savoir français. Édition| L'affaire «Botul» pointe les dérives d'un système qui n'a rien à voir avec la philosophie. - Bernard-Henry Lévy. Trop impétueux ou véritable imposteur? Un peu des deux, sans doute. Lire l'article ici.
Note. Je vous invite à lire un dossier, fort bien fait et fiable, sur Kant, sur l'Encyclopédie de l'Agora, ici.
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