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mercredi 3 février 2010

A. Présentation / Romance nerveuse - Camille Laurens

Revenant par le biais sur sa querelle avec Marie Darieusseq, Camille Laurens publie «Romance nerveuse», chez Gallimard. Ce roman est, en fait, de l'autofiction, le «récit romancé» d'une aventure amoureuse, peu reluisante, vécue après la querelle avec Marie Darieusseq grossièrement accusée de «plagiat psychique», et de son renvoi de POL, par leur éditeur commun Paul Otchakovski-Laurens (sans lien de parenté).(1)
Tour d'horizon en 2 billets. Celui-ci porte sur la présentation du roman, les principaux personnages et l'histoire.
Dans le prochain billet, on complètera le tour d'horizon par des extraits et des critiques du roman.


A. Présentation - Romance nerveuse, Camille Laurens


Les principaux personnages

Ruel et Laurence
Ruel -patronyme réel de Camille Laurens: elle commente l'histoire d'amour entre Laurence et Luc, un drôle de pistolet. Ruel est la voix intérieure de Laurence, la narratrice: «elle la surveille, l'admoneste, pique sa place dans les moments délicats. Elle est la part raisonnable de la romancière, la rigoriste qui ne rigole pas, l'intellectuelle en surplomb. Elle qui a tout lu ne conçoit pas qu'on se passe des livres… Ruel est présentée comme un esprit, un fantôme. Intrusion de la fabulation dans l'autofiction, ce qui est déjà une prouesse, la figure du fantôme compte beaucoup pour Marie Darrieussecq: suprême insolence, à nos yeux délicieuse, de Camille Laurens, qui dépasse le plagiat pour pasticher sa rivale! On appréciera également l’allusion discrète à un livreur de pizzas, qui fut naguère au centre d’un mémorable épisode de Truismes.» (2)(3)

Georges L.
Au dédoublement de Camille Laurens sous les noms de Ruel (alias Marie Darieusseq, sous le patronyme de Camille Laurens) et de Laurence (Camille Laurens elle-même), s'ajoute le dénommé Georges L., un éditeur (alias Paul Otchakovski-Laurens).
«Je n’avais plus d’éditeur, mais j’avais un amoureux.» La différence entre l’amoureux, un photographe de presse people prénommé Luc, et l’éditeur, rebaptisé Georges L., c’est par exemple que l’amoureux, en toute innocence, déterritorialise le conflit. A propos de Philippe, l’enfant mort devenu livre (Philippe, 1995), Luc peut dire: «Philippe? C’est qui, encore, celui-là? - C’est le bébé que j’ai perdu. Il aurait quinz… - Ah! oui, excuse, j’avais oublié. Et à moi, quand est-ce que tu me donnes un fils avec tes vieux ovaires fatigués?» Tandis que l’éditeur, certes plus policé, est évidemment blessant lorsqu’il fait remarquer que «ça commence à faire longtemps, Philippe».(3)

Luc
C'est un paparazzi, l'amant de Laurence au cours de ses vacances à Djerba. Un jeune homme léger, grossier, aux propos scatologiques. Un être odieux et manipulateur. Aveuglée par sa passion, Laurence -l'écrivaine distinguée- s'abaisse jusqu'à lui. Masochiste, elle est prête à tout pour un regard, un baiser. Elle devient, en quelque sorte, sa «chose». Laurence ressasse sa douleur. «Tout me blesse», s'écrit-elle.
Conversation téléphonique. «Des bruits de cascade masquaient par instants sa voix grave et belle que je redécouvrais, il a une voix superbe, me disais-je, tu es où, ai-je dit, près d’une fontaine? - Nan, je suis dans les chiottes du McDo. Bon, je prends un café et je vole vers toi. A toute. Il a raccroché. So romantic, a dit Ruel.»
«(Mais) il n'a pas l'étreinte compatissante des lettrés que la narratrice a l'habitude de fréquenter. C'est un paparazzi inculte qui la traite de tous les noms. Il est trop infidèle pour qu'elle puisse lui reprocher de l'être. Il fume de l'herbe en regardant des pornos insolites sur YouTube. Il pose des lapins et s'invite quand on ne l'attend pas. Une agrégée de lettres sadisée par un beauf: les polémiques de rentrée littéraire mènent à bien des vicissitudes.»(4)


L'histoire

C'est l'histoire d'une rencontre improbable. Elle est romancière, cultivée. Il est paparazzi, toujours en quête d'aventures et de sensations fortes. A la suite d'une violente rupture avec son éditeur, elle a perdu confiance en elle et ne parvient plus à écrire; il rêve d'être connu et reconnu, il voudrait qu'elle écrive un sur lui, sur son existence à la fois tragique et futile, insignifiante.
Il lui offre non pas une tranche de vie, dit-il, mais «une tranche de vide».

Elle va donc entreprendre de le peindre, et à travers lui, c'est le portrait d'un homme contemporain (!!!) qui se dessine : désinhibé, transgressif, irrespectueux des usages, des lois, avide de jouissances rapides, insoucieux d'autrui, il est «l'homme sans gravité» de Charles Melman*, immature comme un enfant, se mouvant sans repères ni valeurs dans un monde sans limites, où l'opinion prévaut sur la pensée, la consommation sur le désir, l'imaginaire sur le réel.
Il est aussi attachant, fascinant par son énergie, ses tentatives de liberté, et raconte quelque chose de l'humanité tout entière.

L'idylle est évidemment bancale, la romance nerveuse, la narratrice témoigne d'un certain masochisme face à ces provocations qui la sidèrent, mais la reconquête d'un sens perdu passe par les retrouvailles avec la langue et l'apprentissage d'une forme d'amour.»
Romance nerveuse, Camille Laurens, Gallimard, Roman, Collection Blanche, 224 pages.

Note discordante.Les !!! sont les miens... L'homme contemporain? Hein? Je pense, je ne sais pas pourquoi, à Sade... Et vous?
* Charles Melman, «L'homme sans gravité», Entretiens avec Jean-Pierre Lebrun, Denoël, 202, 264 pages. Pour en savoir plus, cliquer ici.

Au fait, croyez-vous à ça«la vraie vie» dans un roman? Je ne dis pas un récit, mais un roman.
Croyez-vous ça «la vraie histoire» dans un récit autobiographique.
À méditer!


Ne manquez pas la suite de ce billet! Des extraits, des critiques et... ce que je pense de ce roman.

Bonne journée! Portez-vous bien.
___
[] (1) Aujourd'hui, elle ne parle plus de «plagiat psychique», «mais de "problème d'éthique" et de "tourisme de la douleur". Elle s'emporte seule, en se demandant "quel est l'intérêt de compiler de la documentation pour écrire un roman sur le deuil?"»
David Cavioglioli, NouvelObs. Lire l'article ici..
On pourrait lui rétorquer: quel est l'intérêt de s'adonner à l'autofiction? Match nul! Ne déraillons pas: chacun, et chacun, a le droit d'aborder le roman comme il l'entend... «pas n'est-ce?
[] (2) Plagiat?... Fantômes? Les fantômes n'appartiennent-ils pas à Marie NDiaye qui a accusé Marie Darieusseq de «singerie» lorsque celle-ci a publié «Naissance des fantômes», son 2e roman, en 1998?
«Truismes», le 1er roman de Marie Darieusseq et best-seller inattendu en 1996.
[] (3) Claire Devarrieux, «La pizza du paparazzi». Libération Lire l'article ici.
[] (4) David Caviglioli, La souffrance de Camille Laurens. Elle en a fait un roman. NouvelObs. Pour lire l'article, cliquer ici.
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