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dimanche 28 février 2010

Poésie occitane. Louisa Paulin - Frédéric Mistral - Marie-Christine Bourgade - René Nelli - Alan Pelhon - Philippe Gardy - Jean-Paul Creissac

Poésie occitane. Découvrez avec moi des poèmes «bilingues» en occitan... dans leur version française. Ici et là, tout de même, quelques vers en occitan. À l’honneur: Louisa Paulin, Frédéric Mistral, Marie-Christine Bourgade, René Nelli, Alan Pelhon, Philippe Gardy, Jean-Paul Creissac. Pour mémoire:
[] Dès la fin du 13e siècle, Dante a désigné trois langues romanes selon la manière de dire «oui» : la langue d'oïl -le français; la langue d'oc -l’occitan; et la langue de si -l’italien. La langue d'oïl est parlée dans le Nord de la France. L’occitan est parlée dans le Sud de la France. On la retrouve également en Italie, en Espagne et à Monaco.
[] Surtout connu pour son utilisation littéraire, l’occitan était également une langue juridique et administrative au Moyen Age, dans le Sud de la France. Les premiers textes latins utilisant des mots occitans sont datés des années 700-800. Alors qu’il faudra attendre la période de l’An Mil pour avoir le premier écrit, conservé, entièrement en occitan; c’est au temps des troubadours entre le 12e et le 13e siècles, que la poésie lyrique en occitan connaît son apogée.
[] «En 1539.François 1er signe l'ordonnance (l'édit) de Villers-Cotterêts, première grande intervention étatique dans le domaine linguistique qui impose la rédaction des actes administratifs et de justice "en langue maternel françois". Elle vise à éliminer à la fois l'emploi du latin et celui des parlers locaux.»(1)

«Tout poème est un miracle»
Jean d'Ormesson,
Saveur du temps.


Nids
Nids de plumes, nids de feuilles, /Nises de plumas, nises de fuèlhas,
nids d'eau et nids d'étoiles, /nises d'aiga e nises d'estelas,
je vous ai cherchés, je vous ai trouvés,
je vous ai caressés de mes mains
et de mon cœur et de mon âme.
Mais le nid que j'ai le plus aimé,
mais le nid que j'ai le plus cherché,
mais le nid que je n'ai jamais trouvé,
c'est le cœur de celui que j'aime tant.
Louisa Paulin
[Lu sur http://www.teleoc.com]

Mais vous, la moindre parole
Que vous me dîtes, o demoiselle,
Plus que nulle autre chansonnette /Mai que pas ges de cançoneta
Enchante mon oreille et torture mon cœur! / Encanta mon aurelha e borrola mon còr!
Frédéric Mistral
[Lu sur http://www.teleoc.com]

Le chanteur
Tout est calme, pas un bruit; les étoiles et voilà
Tout d'un coup, dans le noir, s'entend comme un prélude
Clair et net, vif et fort, tel que je n'en ai jamais entendu.
L'oiseau inconnu, caché par les feuilles,
S'est mis à chanter, et puis s'est arrêté
Comme timidement, et a recommencé /Coma timidament, e a recomençat
Plus d'une fois, comme ça, sans y toucher.
A chaque fois, il chante plus haut, plus longuement
Tant et si bien que l'air s'en emplit lentement. /Tant e tant ben que l'air s'en emplís lentament.
L'oiseau, que j'admire, redit tout son amour
Pour la petite oiselle qui l'écoute toujours,
Donne toute sa voix, siffle comme un fou.
La force et la beauté se rejoignent dans son chant
Sans oublier l'enthousiasme, la justesse du ton
Et la magie légère toute de précision... / E la magia leugièra tota de precision...
Marie-Christine Bourgade
[Lu sur http://www.teleoc.com]

Le cri de cet oiseau file son arabesque
qui s'enroule au rouet phosphorescent des eaux.
Qu'il vienne à s'interrompre : un arbre se révèle
soufflant entre ses doigts l'haleine des couleurs.

Un arbre qui s'aveugle à force d'apparaître
et de se survoler dans le temps de patience
sans regards pour s'enfuir dans le décours des choses
où son cœur est déjà - comme il sera demain
pris dans plus de sommeil qu'il n'en faut pour dormir...

Âme continuée qui sens le froid divin
retrancher de l'Amour chaque instant qui le fane
Comme un gouffre à jamais qui se photographie
du plus profond de son étoile originelle
Respire tendrement avec la nuit profane /Respira tendrament dins la foscor profana
cette ombre de la Mort où Dieu fait le matin. /l'ombra d'aquela mòrt ont Dieus fa lo maitin..
René Nelli
[La serp de folhum (Le serpent de feuilles) «Obra poëtica occitana» (Institut d'études occitanes, 1981)*]

Assommé par le déferlement des mots
Je m'en vais comme un fou /Me'n vau coma un fòl
Hurler aux éperviers que je suis vivant
Qu'ils ne m'effraient pas /Que non mi fan pas paur
Et que j'ai vu au bord de la mer un pêcheur
Pleurant de voir l'aube si belle /Si plorant de veire l'auba tan bèla
Et son cœur si petit
Alan Pelhon
[Extrait de Coma una musica, (Nice, Z'éditions, 1989, épuisé)*]

Mitologicas: Niobé
Entre l'arbre et la neige le monde immense
tout cet encroisement de pierres et de boue
cette construction patiente et jamais finie
de branches qui cherchent le dessus du ciel
de toits pour recueillir la pluie et les saisons
d'enclos de terres labourées et de galets par milliers
toujours plus loin qu'aucun regard puisse aller
jusqu'à la plaine jamais labourée des étoiles
entre l'arbre et la neige a disparu le chemin
qui mena un jour à quelque maison écroulée
souvenir de poussière et de cailloux désormais
multitude infime des présences enfuies
et des amours d'un temps la marque muette
rien qu'un rocher de larmes dans l'herbe

des pleurs du monde qui tourne comme vies /dei plors dau mond que vira coma vidas
et se noie dans le gouffre bleu du temps /e se nega dins lo gorg blau dau temps
des peines et des douleurs dans la spirale /dei penas e dei dolors dins l'espirala
jamais arrêtée que fait le cœur en train de se perdre /jamai arrestada que fai lo còs a mand de se perdre
aux rives de l'obscurité demeure la pierre dure /ai ribas de l'escur demòra la pèira dura
épine nue dans l'épaisseur de la terre /espinha nuda dins l'espés de la terra
Philippe Gardy
[Extrait de Mitologicas, paru aux éditions Fédérop*]

Escota...
Écoute / le silence lentement qui te saisit / ton souffle qui peu à peu se pose / profondément il retentit en toi

Ferme les yeux / ton cœur, ton souffle, ton sang / le chemin désert / le jappement au loin / et le troupeau qui monte

tu es seule / le rythme de ta respiration / occupe tout
Comment revivre / comment renaître /comment repartir

En toi le silence se fait / se réveiller, se ranimer, se mettre en chemin

Cela fait si longtemps que je t’ai appelée / et maintenant tu es là , près de moi

Ferme les yeux, le silence t’envahit / ton souffle rythme le temps / horloge de ton corps / tu es là, peau de mousse / haleine d’oiseau

Bouche ouverte sans cri / douleur, abandon, absence

Je te donne mon souffle pour gravir le chemin / je te donne mon sang pour respirer

Ferme les yeux / laisse le silence venir

De ta plaie surgit la révolte / sans voix, dans le silence / seul ton corps parle / se plie, tombe

se relève, se dresse / revivre / se ranimer / se remettre en chemin / encore
se releva, se dreiça / reviure / respelir / s’encaminar/ encara
Jean-Paul Creissac
[Poème inédit lu sur http://www.cardabelle.fr*]

Puisse la poésie enchanter votre vie!
Bon dimanche!
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[] Jean d'Ormesson, Saveur du temps. Chroniques du temps qui passe. Éditions Héloïse d'Ormesson, 2009.
[] (1) Sylvie Prioul, L'irrésistible ascension du français, Il était une fois la Renaissance, Le Nouvel Obervateur, no 255-2356.
[] * Sauf indication contraire, les poèmes ont été lus sur http://www.cardabelle.fr
[] Visitez le site consacré à Louisa Paulin
[] Autres sources: Wikipédia et http://www.cardenal.org
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