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lundi 22 février 2010

Paul-Émile Borduas (1905-1960) - Le Devoir - Michel Camus - ONF

Paul-Émile Borduas, né à St-Hilaire, sur les bords du Richelieu, est mort à Paris, le 22 février 1960. Jérôme Delgado, signe dans «Le Devoir» un article, «Borduas, héros oublié?» J'en tire 2 citations: «"Borduas fait partie de notre patrimoine. Il est la clé vers le Québec moderne..."», Marc Bellemare, collectionneur; «Borduas peut être un précurseur, un pilier, un "héros comme Lévesque", selon Françoise Sullivan. Il serait un grand oublié.» Le Devoir rappelle ainsi à notre mémoire le 50e anniversaire de sa mort de l'un de nos grands peintres, Paul-Émile Borduas. Au cours de l'année, le Musée des Beaux-Arts de Montréal (MBAM) et le Musée National des Beaux-Arts du Québec (MNBAQ) devraient présenter des expositions. Je vous tiendrai au courant.

[] J'ai repéré, sur Internet, qui-sait-tout et qui-se-souvient-de-tout, l'allocution de Michel Camus, un ami et un confident de Borduas. Un témoignage touchant, un portrait du peintre nuancé. Une profonde amitié. Des souvenirs. Je vous en livre des extraits.
[] Je vous propose ensuite une vidéo, un film de Jacques Godbout (1962), «Paul-Émile Borduas (1905-1960)».
«Au-delà de quarante ans de peinture, Borduas est le chef de file de toute une génération. Ce film, citant de nombreux textes du peintre, est une véritable ouverture sur la peinture moderne et sur la vie tout simplement.» Vous serez séduits!


Souveraineté et solitude de la Quête de Borduas à Paris.

«Réveiller des souvenirs d’il y a quarante ans, ce n’est pas évident. Plus de quarante ans puisque j’ai rencontré Paul-Émile Borduas, peu après son arrivée de New York, vers la fin de 1955, dans l’atelier de sculpteur, appartenant à Henriette Niepce, qu’il occupait provisoirement au fond de la cour du 19, rue Rousselet avant de s’installer dans l’atelier à rez de chaussée sur rue.
Pendant un an en 1952-53, j’ai fréquenté, dans la cave de “La Petite Europe”, le groupe des automatistes surrationnels dont Claude Gauvreau était le porte-parole.
[...]
Par contre, l’indifférence de Paris à l’égard de sa peinture lui pesait sur le cœur. Il ne savait comment faire pour rencontrer les peintres qu’il admirait comme Pierre Soulages ou Tal Coat. Il était réservé et peu entreprenant pour nouer des relations avec des inconnus. Un soir, à la Coupole, il ne cessait de jeter des coups d’oeil du côté de Giacometti qui était assis en solitaire au fond de la salle. Il aurait voulu le rencontrer, mais je ne sais quelle pudeur le retint d’aller vers lui. Il a fallu attendre le 20 mai 1959 pour que la Galerie Saint-Germain lui organise une exposition. Borduas fut ravi de rencontrer Tristan Tzara au vernissage. La même année, j’ai apporté dans l’atelier de Borduas le carton d’invitation de la Galerie Stadler sur lequel figurait la reproduction d’une oeuvre de Lucio Fontana : un monochrome avec son impeccable fente entaillée au rasoir. Borduas fut très impressionné en y voyant tout de suite une façon plus subtile et plus abstraite que la sienne d’évoquer l’espace en peinture. — À côté de lui, je me sens archaïque ! me dit-il. L’hiver 1959, Lucio Fontana découvrit chez moi, rue Ste-Croix de la Bretonnerie, deux toiles de Borduas. Il fut impressionné par leur intensité, leur force, leur présence et manifesta l’intention de rencontrer Borduas lors de son prochain passage à Paris. Hélas, quelques semaines plus tard, Borduas disparut dans la force de l’âge. Il avait 54 ans. J’en avais trente. Je perdais mon ami le plus proche.
[...]
Borduas portait aux Chants de Maldoror de Lautréamont une admiration sans réserve. C’était à ses yeux un des plus grands génies poétiques. Le 13 février 57, il m’écrivait à propos de Rilke : “Merci pour les beaux — et à propos — poèmes de Rilke.[...]. Borduas aimait surtout les poètes. À l’époque, je lisais Cioran, Georges Bataille et Pierre Klossowski, entre autres. Aucun d’eux ne l’attirait.
[...]
C’était un grand solitaire, qui aimait la solitude nourricière tout en rêvant de rencontrer une âme sœur dans l’univers. [...] Il était fin cuisinier. Je me souviens d’une recette délirante: celle d’un poulet cuit à la vapeur de la cuisson d’un autre poulet. C’était un fin gourmet. Il aimait beaucoup le bistrot de grande cuisine “Chez Joséphine“ proche de chez lui et que fréquentaient Albert Camus et le fils de l’Aga Khan. Ou alors, à la dernière minute, à 7 heures du soir, il décidait de nous emmener à Provins pour aller y déguster des pieds de porc au feu de bois. La bonne chère et le bon vin le faisaient rayonner de plaisir. Malgré sa vie ascétique liée à la création et à une perpétuelle quête du sens à venir, autrement dit tournée vers l’avenir, il aimait jouir, dans l’intensité du présent, des plaisirs de la vie. Au fond, c’était un homme discrètement raffiné c’est-à-dire sans ostentation.
[...]
[...] comment, depuis trente-huit ans, personne au Gouvernement du Québec n’avait-t-il eu l’idée d’organiser à Paris une grande rétrospective de l’œuvre de Paul-Émile Borduas ?
Puisse ce colloque devenir le germe de cette manifestation !
Je vous remercie...
Michel Camus. 6 octobre 1999.»
Et cette grande rétrospective, c'est quand?
«Anne, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir?...




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[] (1) Jérôme Delgado, «Borduas, héros oublié?», Le Devoir, les samedi et dimanche, 20 et 21 février 2010.
[] (2) Dans son allocation, Michel Camus parle du manifeste du «Refus global», et cite des extraits de lettres qu'il a reçues de Borduas. Je vous suggère fortement de lire ce texte, à cette adresse-ci. C'est le texte le plus touchant et le plus juste que j'ai trouvé sur Borduas.
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