Hier soir, je naviguais au hasard, ramant dans le sens du courant, bien assise au fond de ma chaloupe Verchères. J'eus la ‹‹funeste›› idée d'accoster sur les rives de BibliObs. ‹‹Quoi ? Un autre Dantzig !››En effet, Charles Dantzig [de son vrai nom Grégoire Leménager, patronyme qui lui sied fort mal] vient de publier une deuxième brique.
Le précédent, Dictionnaire égoïste de la littérature française, publié chez Grasset en 2005 compte 908 pages. J'ouvre ce livre au hasard, un vieux truc…, et je tombe sur ‹‹Donc, il faut que, parce que : Le donc, avec son air franc, peut-être la plus spécieuse conjonction de la langue française. Un écrivain écrit une assertion, pose donc, et tire une conclusion. Or (conjonction), il ne peut y avoir aucun rapport avec son assertion et sa conclusion. Peu importe, il écrit donc ! Nous sommes entraînés. Bientôt convaincus. Autant dire esclaves. […]›› Puis, l'auteur décortique une phrase de Jouvet, dit son horreur des conjonctions imposantes, mentionne Shakespeare, Yourcenar, Morand. Et tout cela, dit-il en substance, c'est la faute des Français qui veulent avoir raison.
Eh bien dis donc ! Or donc, voici que… dans mon billet du 14 janvier 2009, ainsi titré, j'abordais, sous l'angle de l'humour, syllogisme, paradoxe, et jugement circulaire qui nous envahissent, bien souvent à notre insu. Il faut donc rester vigilant parce que… comme de raison… sinon… vous voyez ce que je veux dire. Quel grand art est celui de ne pas finir ses phrases ! J'y reviendrai un de ces quatre.
À la lettre A, de ce Dictionnaire égoïste, on trouve : Action [c'est l'introduction au livre] ; Adjectifs, adverbes ; Admirateurs ; Adolphe ; Âge des écrits, etc. Le procédé est le même pour chacune des lettres de l'alphabet, mot qui, curieusement, n'y est pas commenté.
Voyons maintenant la dernière entrée du Dictionnaire égoïste, zoo. Je lis : ‹‹Eh bien, les enfants, c'est l'heure de la fermeture. Mon troupeau d'écrivains s'en va rentrer à l'étable, et mes lionnes d'idées rôder dans la savane. […]. L'infanterie d'écrivains, que l'auteur voyait passer devant lui, dans son introduction, s'est radicalement métamorphosée en troupeau… C'est grossier !
Dans le Dantzig, on trouve de tout, et son contraire : grossièreté et finesse, propos justes et jugements à l'emporte-pièce, cohérence et contradictions. Mais jamais de banalités, d'emprunts. C'est un livre original, brillant, drôle, satirique. Un livre unique signé par un érudit qui nous cause maintes émotions, car il choque autant qu'il enchante. Un livre unique, vous dis-je, qui devrait loger dans toute bibliothèque, privée ou publique [demandez-le, exigez-le]. Il vaut la peine de se le procurer, si ce n'est déjà fait, et de le consulter avec ouverture, et grande liberté d'esprit.
Voilà que vient de paraître, quatre ans plus tard, Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, 798 pages. Pour l'heure, ce que j'en ai lu sur internet me laisse perplexe. Des listes, des listes, et encore des listes. Dans BibliObs, on l'appelle ‹‹ Dantzig de la Mirandole›› ; dans Le Monde, ‹‹Charles Dantzig tête de listes›› Didier Jacob nous renvoie au ‹‹McSweeney's Book of lists››: Une suite de listes, aux intitulés loufoques, mis (sic) en ligne par les internautes. Délirant et génial, dit-il. Ça vaut le coup d'œil !
Ce nouveau Dantzig souffrirait-il de listérite ? Pour ma part, je vais attendre de le feuilleter en librairie avant de l'acheter. C'est sûrement plus prudent.
Dictionnaire égoïste de la littérature française, Grasset, 2005, 908 pages. Chez Gallimard Montréal , 49,95$, et dans d'autres librairies. http://www.gallimardmontreal.com/books/view/55780
Encyclopédie capricieuse du tout et du rien, Grasset 2009, 792 pages.
http://bibliobs.nouvelobs.com/ du 15/01/2009
http://www.mcsweeneys.net/links/lists/ [On peut y ajouter sa liste ! Allez ! Soyons inventifs !]