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dimanche 31 janvier 2010

L'hiver. Vigneault - Mallarmé - Dumont - Miron / Verne - Gogol - Richepin - Constant

«Mon pays ce n'est pas un pays, c'est l'hiver», chante Gilles Vigneault. Personne ne dit mieux l'hiver qu'un poète, il le dit en des mots qui nous charment et nous enchantent, les pieds bien au chaud... Avec Stéphane Mallarmé, c'est «l'hiver lucide...»; Fernand Dumont, «Vient le temps...»; Gaston Miron, «Les siècles de l'hiver...». Dans un autre volet, «Michel Strogoff» de Jules Verne nous lancera une œillade, qui nous rappellera «Le manteau» de Gogol; Jean Richepin penchera du côté de Gogol, dans «La Chanson des gueux» et «Adolphe» de Benjamin Constant échappera un soupir, un de plus.

Stéphane Mallarmé, L'hiver lucide
Le printemps maladif a chassé tristement
L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
Et, dans mon être à qui le sang morne préside
L’impuissance s’étire en un long bâillement.

Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau
Et triste, j’erre après un rêve vague et beau,
Par les champs où la sève immense se pavane

Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las,
Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève...
― Cependant l’Azur rit sur la haie et l’éveil
De tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil.
[Poésies. Renouveau, 1866]


Fernand Dumont, Vient le temps
Vient le temps où la brise n’a plus de secret
Où le givre a perdu sa douceur
Où la parole a tour ravi l’hiver

Alors l’homme grave se résume
Parvient au dernier labeur
Met à l’abri quelques rêves encore
Et livre les autres aux patients abatis.
[La part de l’ombre, Veiller encore, 1995]


Gaston Miron, Les siècles de l’hiver
Le gris, l’agacé, le brun, le farouche
Tu craques dans la beauté fantôme du froid
Dans les marées de bouleaux, les confréries
d’épinettes, de sapins et autres compères
parmi les rocs occultes et parmi l’hostilité

pays chauve d’ancêtres, pays
tu déferles sur des milles de patience à bout
en une campagne affolée de désolement
en des villes où ta maigreur ton visage
nous nos amours vidées de leurs meubles
nous comme empesés d’humiliation et de mort

et tu ne peux rien dans l’abondance captive
et tu frisonnes à petit feu dans notre dos
[L'homme rapaillé, La vie agonique, 1979]


Dans Michel Strogoff , de Jules Verne, on lit cette amusante réplique:
__ L’hiver est l’ami du Russe.
__ Oui… mais quel tempérament il faut pour résister à une telle amitié!

Ce qui n'est pas sans rappeler la fine remarque de Nicolas Gogol dans «Le manteau»:
«À Saint-Peterbourg les riches, les pauvres, les plus-que-pauvres ont un même ennemi: «le froid du Nord, quoiqu'on le dise favorable à la santé.» L'hiver s'annonçait, et Akaki Akakievitch avait froid. Son manteau était terriblement usé, à ce point qu'on lui avait même refusé le noble nom de manteau pour le baptiser capuchon.»

Jean Richepin, Les quatre saisons
Voici venir l’Hiver, tueur des pauvres gens
[La Chanson des gueux, 1876]

Adolphe soupire... dans le roman de Benjamin Constant
«C’était une de ces journées d’hiver où le soleil semble éclairer tristement la campagne grisâtre, comme s’il regardait en pitié la terre qu’il a cessé de réchauffer.»

Bonne lecture en ce dernier jour de janvier 2010.

Passe le temps, passe la vie, trépassent nos amours!
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[] Fernand Dumont, La part de l'ombre. Poèmes 1952-1995, L'Hexagone - Rétrospectives, 1996.
[] Gaston Miron, L'homme rapaillé, PUM, 1970. Réédité avec une préface d'Édouard Gillant, NRF, Poésie, Gallimard, 1999.
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