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jeudi 13 août 2009

Apostille - Nom de la rose / Umberto Eco - 1/2

La lecture de «Apostille au ''Nom de la rose''» de Umberto Eco vous réjouira: je vous le certifie. En tant que lecteur ou en tant qu'écrivain, vous y trouverez matière à vous réjouir. Ce court texte est d'une grande richesse. On y trouve les réponses aux questions que suscite la lecture du roman et l'explication de sa fabrication, ainsi qu'une réflexion sur l'écriture d'un roman et sa lecture. Tout écrivain et tout lecteur, ces deux inséparables, devraient, à mon avis, lire -et relire-l'Apostille.

Voyons donc, ensemble, quelques éléments que j'ai réuni sous des titres... disons, représentatifs.

L'idéal est un roman sans titre
Voilà, somme toute, ce que pense Umberto Eco. Une idée saugrenue? Pas de son point de vue. Il s'en explique: il appartient au «lecteur (de) tirer ses conclusions, considérant que le narrateur n'a pas à fournir d'interprétations à son œuvre, sinon ce ne serait pas la peine d'écrire des romans étant donné qu'ils sont, par excellence, des machines à générer de l'interprétation.

À son plus grand regret... Eco doit concéder que: «un roman doit avoir un titre». Il ajoute: «Or, un titre est déjà -malheureusement- une clef d'interprétation». Il donne comme exemple, Le Rouge et le Noir, Guerre et Paix, Robinson Crusoé, Le Père Goriot...

Le titre idéal (!) serait, peut-être: Prenez et lisez, ceci est mon roman. Mais alors... tous les romans auraient le même titre, et ce titre en blanc ou titre fantôme, si vous préférez, c'est... un titre. Il n'y a qu'une seule solution pour sortir de ce raisonnement circulaire: donner un titre. Mais encore, faut-il bien le choisir.

Comment Umberto Eco a-t-il choisi le titre de son roman «Nom de la rose»? A-t-il laissé au lecteur le choix d'une d'interprétation parmi une gamme de possibilités?

D'où vient donc le titre: «Nom de la rose»?
Le titre de travail était L'Abbaye du crime. Umberto Eco l'a écarté, car il mettait trop l'accent sur l'enquête «policière» de Guillaume de Baskerville. Il aurait aimé Adso de Melk, le nom du narrateur. «Mais en Italie, les éditeurs n'aiment pas les noms propres». Pas de Cousine Bette, de Barry Lyndon, de Tom Jones...
Eh oui! Il arrive qu'un écrivain doive se plier aux désideratas des éditeurs...

Le plus beau est que le titre, Nom de la rose, lui est venu « quasiment par hasard (...)», et il lui a plu, car la rose est un symbole qui se prête à de multiples interprétations... Ainsi, lorsque le lecteur lit l'hexamètre latin à la fin du livre...
Stat Rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus*, c'est trop tard: il a déjà donné un sens au titre du roman.

Mais, à mon avis, ce vers ne fournit aucune clef d'interprétation, c'est un passe-partout, car il nous ramène à la rose et à ses multiples interprétations. Et la boucle est bouclée. Et Umberto Eco nous a ensorcelés...

«La rose d'autrefois existe en tant que nom (ou mot), il ne nous reste que des noms (ou mots) nus»**.

Pour ma part, j'y vois un rapprochement avec le poème de Ronsard, «Mignonne, allons voir si la rose»...
Sitôt cueillie, sitôt évanouie. Ô mignonne, la rose ne dure que du matin jusqu'au soir, comme jeunesse qui passe.
Ceci n'est pas une rose, c'est le nom de la rose, un mot...; c'est le souvenir d'une rose, si tant est qu'elle ait existé... Ce qui te reste, ô Mignonne, c'est le nom, c'est le mot «rose»; et ce nom, ou ce mot, est vide... la rose s'est évanouie. C'est le néant...

Ô lecteur, la rose de la fin a-t-elle été, pour toi, un guide vers une nouvelle lecture du roman? À l'instar de Umberto Eco, «(...) je laisse le lecteur tirer ses conclusions».

Comprendre et résoudre les problèmes liés à la composition d'une œuvre.
Umberto Eco nous dévoile, sans détour, les secrets sur sa démarche d'écrivain en prenant appui sur son roman «Nom de la rose», mais pas seulement. Il en ratisse large, mais aussi en profondeur. Entre autres, il mentionne Poe. En effet, le texte de Edgar Allan Poe sur sa méthode de composition, Genèse d'un poème, rejoint celui de Umberto Eco, à moins que ce soit l'inverse...

Je vous en ai glissé un mot dernièrement, dans mon billet du 10 août 2009, intitulé «Avec Poe - Le corbeau.» Permettez-moi de vous y référer.
[En aparté... Si Blogger.com vous signale que cette page n'existe plus, n'en croyez rien. Il s'agit d'un problème technique que j'essaie de régler, de peine et de misère.... Au secours!]
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Psitt! Ne vous laissez pas impressionner par les 2 premiers mots de l'éditeur: «Texte érudit...» C'est Umberto Eco qui est érudit, mais le lecteur n'a pas besoin de l'être pour lire son texte. Le texte est «lumineux», en effet...
* Tiré de De Contemptu mundi de Bernard Morlaix, un bénédictin du XIIe siècle.
** Au sujet de la traduction française de «Stat Rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus» toutes sortes de bruits courent sur Internet. Bouchez-vous les oreilles avec de l'ouate et lisez ceci: «Ce qui pourrait se traduire en français par: La rose d'autrefois existe en tant que nom (ou mot), il ne nous reste que des noms (ou mots) nus». Source: Martin J. G. de Jong, Le présent du passé, Essais de littérature comparée, Presses universitaires de Namur, p.264. Une source fiable...
J'ai consulté cet ouvrage sur Google Books.
En anglais:Yesterday's rose endures in its name; we hold empty names.
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