Michel Lapierre, dans Le Devoir des 8 et 9 août 2009, présente le livre «Avec Poe jusqu'au bout de la prose» de Henri Julien, dans son article intitulé «Poe, le détective de l'inconscient». Peut-on dire, tout à fois, que Poe est un ingénieur littéraire, un artiste scientifique, un initiateur de la psychanalyse, un précurseur du roman policier? Ou encore un détective de l'inconscient? À vue de nez, les termes dichotomiques des premières expressions surprennent. Les autres vont de soi, pour peu qu'on ait passé quelque temps avec Poe... Voyons ce qu'il en est.
Me dédoublant en détective Dupin, j'ai relu très attentivement Le Corbeau, un poème en prose de 3 pages et demie, sous le titre La genèse d'un poème (p.978 à p. 997). «Dans le moulage de la prose appliquée à la poésie, il y nécessairement une affreuse imperfection; mais le mal serait encore plus grand dans une singerie rimée.» Voilà qui est clair et net.
Poe écrit qu'il lui est impossible de nous «donner une idée exacte de la sonorité profonde et lugubre, de la puissante monotonie de ces vers, dont les rimes larges et triplées sonnent comme un glas de mélancolie.» C'est à nous de lire son poème: c'est là notre part. Nous y découvrons une ampleur, un souffle, une musique lancinante, des mots qui sonnent.
À la suite du poème, Le Corbeau, Poe écrit: «Maintenant, voyons la coulisse, l'atelier, le laboratoire,le mécanisme intérieur, selon qu'il vous plaira de qualifier la Méthode de composition. Poe explique sa démarche de création, le choix des impressions, des effets à produire, des répétitions -par exemple, jamais plus- le choix des noms, de la sonorité des mots, etc.
Je vous entends me dire: Poe, c'est un vieux Barbon! Tenez-vous bien, j'en ai une bonne pour vous. Le texte de Poe sur sa méthode de composition rejoint celui de Umberto Eco, dans «Apostille au ''Au nom de la rose''», à moins que ce soit l'inverse... Dans un petit livre -petit, par le nombre de pages- Eco nous livre les secrets de sa composition de son roman, il raconte le processus, le choix des noms, etc. Qu'est-ce que vous en dites?
«Poe dans sa Genèse d'un poème raconte comment il a écrit Le Corbeau. Il ne nous dit pas comment nous devons le lire, mais quels problèmes il s'est posés pour réaliser un effet poétique», écrit justement Umberto Eco, dans «Apostille». En effet...
Poe dit quelque chose qui m'a beaucoup plu: il ne croit pas les écrivains qui laissent entendre, particulièrement les poètes, qu'ils composent «grâce à une espèce de frénésie subtile ou d'intuition extatique.»
Umberto Eco abonde dans le même sens: «Quand l'auteur nous dit qu'il a travaillé sous le coup de l'inspiration, il ment. Genius is twenty per cent inspiration and eighty per cent perspiration (sic).» Le texte a été traduit de l'italien au français, d'où le passage en anglais... Bizarre, non?
On ne s'en sort pas, les plus grands le disent: 20% d'inspiration et de 80% de transpiration!
Les autres sont des menteurs ou des médiocres.
La lecture de Genèse d'un poème et d'autres - Le Chat noir, La lettre volée...- démontrent, nettement, que Poe est bien un ingénieur littéraire, un artiste scientifique, un initiateur de la psychanalyse, un précurseur du roman policier et un détective de l'inconscient. Il rallie les contraires et les fond dans un même creuset. Edgar Alan Poe: un écrivain unique.
En terminant, je vous cite la conclusion de deux articles. Une matière à réflexion... et matière à lire...
Philippe Sollers termine son article «Coup de Poe» ainsi:« Mais quand Poe meurt, on se dit que personne ne reprendra le flambeau. Erreur: c'est en 1851 qu'un jeune auteur de 32 ans publie sa bombe: Herman Melville. «Moby Dick».
Pour sa part, Michel Lapierre, dans «Poe, le détective de l'inconscient» conclut: À l'opposé de Melville ou de Whitman, l'écrivain (Poe) préférait au souffle épique du Nouveau Continent les détails évocateurs des perversités individuelles.
Il était le premier à effleurer le cauchemar d'une Amérique parcellisée, puissance obscure qui génère les guerres impériales de notre temps.»
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L'article de Philippe Sollers a été publié sur BibliObs.Me dédoublant en détective Dupin, j'ai relu très attentivement Le Corbeau, un poème en prose de 3 pages et demie, sous le titre La genèse d'un poème (p.978 à p. 997). «Dans le moulage de la prose appliquée à la poésie, il y nécessairement une affreuse imperfection; mais le mal serait encore plus grand dans une singerie rimée.» Voilà qui est clair et net.
Poe écrit qu'il lui est impossible de nous «donner une idée exacte de la sonorité profonde et lugubre, de la puissante monotonie de ces vers, dont les rimes larges et triplées sonnent comme un glas de mélancolie.» C'est à nous de lire son poème: c'est là notre part. Nous y découvrons une ampleur, un souffle, une musique lancinante, des mots qui sonnent.
À la suite du poème, Le Corbeau, Poe écrit: «Maintenant, voyons la coulisse, l'atelier, le laboratoire,le mécanisme intérieur, selon qu'il vous plaira de qualifier la Méthode de composition. Poe explique sa démarche de création, le choix des impressions, des effets à produire, des répétitions -par exemple, jamais plus- le choix des noms, de la sonorité des mots, etc.
Je vous entends me dire: Poe, c'est un vieux Barbon! Tenez-vous bien, j'en ai une bonne pour vous. Le texte de Poe sur sa méthode de composition rejoint celui de Umberto Eco, dans «Apostille au ''Au nom de la rose''», à moins que ce soit l'inverse... Dans un petit livre -petit, par le nombre de pages- Eco nous livre les secrets de sa composition de son roman, il raconte le processus, le choix des noms, etc. Qu'est-ce que vous en dites?
«Poe dans sa Genèse d'un poème raconte comment il a écrit Le Corbeau. Il ne nous dit pas comment nous devons le lire, mais quels problèmes il s'est posés pour réaliser un effet poétique», écrit justement Umberto Eco, dans «Apostille». En effet...
Poe dit quelque chose qui m'a beaucoup plu: il ne croit pas les écrivains qui laissent entendre, particulièrement les poètes, qu'ils composent «grâce à une espèce de frénésie subtile ou d'intuition extatique.»
Umberto Eco abonde dans le même sens: «Quand l'auteur nous dit qu'il a travaillé sous le coup de l'inspiration, il ment. Genius is twenty per cent inspiration and eighty per cent perspiration (sic).» Le texte a été traduit de l'italien au français, d'où le passage en anglais... Bizarre, non?
On ne s'en sort pas, les plus grands le disent: 20% d'inspiration et de 80% de transpiration!
Les autres sont des menteurs ou des médiocres.
La lecture de Genèse d'un poème et d'autres - Le Chat noir, La lettre volée...- démontrent, nettement, que Poe est bien un ingénieur littéraire, un artiste scientifique, un initiateur de la psychanalyse, un précurseur du roman policier et un détective de l'inconscient. Il rallie les contraires et les fond dans un même creuset. Edgar Alan Poe: un écrivain unique.
En terminant, je vous cite la conclusion de deux articles. Une matière à réflexion... et matière à lire...
Philippe Sollers termine son article «Coup de Poe» ainsi:« Mais quand Poe meurt, on se dit que personne ne reprendra le flambeau. Erreur: c'est en 1851 qu'un jeune auteur de 32 ans publie sa bombe: Herman Melville. «Moby Dick».
Pour sa part, Michel Lapierre, dans «Poe, le détective de l'inconscient» conclut: À l'opposé de Melville ou de Whitman, l'écrivain (Poe) préférait au souffle épique du Nouveau Continent les détails évocateurs des perversités individuelles.
Il était le premier à effleurer le cauchemar d'une Amérique parcellisée, puissance obscure qui génère les guerres impériales de notre temps.»
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Référence: Edgar Allan Poe, Oeuvres en prose, Bibliothèque de la Pléiade.