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lundi 31 août 2009

La délicatesse - David Foenkinos

Chose promise, chose due. Voici les résultats de mon «enquête», à la Miss Marple, sur «La délicatesse», de David Foenkinos. «Le potentiel érotique de ma femme» m'a servi de guide (voir mon billet d'hier). Trop peu de pages (6) pour juger à fond. Suffisamment pour juger du «potentiel» du livre. Dès la 1ere page (chap. 1), le portrait psychologique -sans psychologisme- de Nathalie. On a tout de suite une bonne idée de qui est Nathalie; et l'on sait, par déduction, que c'est elle le pivot du roman. Un court extrait:

«Elle aimait rire, elle aimait lire. Deux occupations rarement simultanées puisqu'elle préférait les histoires tristes (...) Mais elle ne ressentait aucune nostalgie, jamais (en repensant à son enfance). Ce qui était assez rare pour une Nathalie*.
*Note en bas de page: Il y a souvent une nette tendance à la nostalgie chez les Nathalie.» - Un joli clin d'oeil!

Le chapitre 2 commence ainsi:« La plupart des couples adorent se raconter des histoires, penser que leur rencontre revêt un caractère exceptionnel, et ces innombrables unions qui se forment dans la banalité la plus totale sont souvent enrichies de détails offrant, tout de même, une petite extase. Finalement, on cherche l'exégèse en toute chose.»
Je ne sais pas si vous partagez mon avis: mais je trouve cette observation tout à fait juste. C'est bien vu, c'est bien dit. Il n'y a pas que «notre Victor» qui éprouve de l'extase... Il aurait pu en mourir, le pauvre, s'il avait connu Thomas Mann et Mort à Venise! Ici, dans «La délicatesse», on verra ce qu'il en retournera, de la «petite extase»

Dans ce chapitre (un peu plus de 5 p.), le romancier introduit un personnage principal, François. Il décrit «la scène initiale de l'abordage» suivie d'un rendez-vous pour prendre un café. «Nathalie et François se sont rencontrés dans la rue.»
On assiste à la toute première étape de la formation du couple. On sent déjà qu'ils formeront un couple. Durable ou pas? Reste à voir.

« Quand un homme vient voir une inconnue, c'est pour lui dire de jolies choses. Existe-t-il, ce kamikaze masculin qui arrêterait une femme pour asséner: " Comment faites-vous pour porter ces chaussures? Vos orteils sont comme dans un goulag. C'est une honte, vous êtes la Staline de vos pieds!" Qui pourrait dire ça? Certainement pas François, sagement rangé du côté des compliments.(...) Au bout de trente secondes, il parvint même à la faire sourire. C'était une brèche dans l'anonymat.»

On repère, dans ce bref extrait, l'humour de David Foenkinos et le sens des observations fines, et finement dites. Il nous épargne des lourdeurs, des longueurs et des langueurs. En d'autres mots, il fait confiance à l'intelligence des lecteurs.

Et plus loin: « Soumis à la dictature de la sensualité, il n'en demeurait pas moins un homme romantique, pensant que le monde des femmes pouvait se réduire à une femme.» Peut-on voir ici un indice de sa définition de «délicatesse»? Un indice... fort probablement.

Au resto, François procède, à part soi, à une «analyse liquide de la première impression féminine». C'est une heureuse trouvaille.
«Il lui demanda ce qu'elle voulait boire. Son choix (celui de Nathalie) serait déterminant. Il pensa: si elle commande un déca, je me lève, et je m'en vais. On n'avait pas le droit de boire un déca à ce genre de rendez-vous. C'est la boisson la moins conviviale qui soit.»

Le plus beau de l'affaire est que François formule toute une typologie qui n'est pas piquée des... verres. Le thé, l'alcool, le Coca-Cola ou autre type de soda? Bof... François passe ces liquides en revue, et s'explique chaque fois. Aucun ne trouve grâce à ses yeux. Un jus alors? C'est sympathique. Mais quel jus? Je vous laisse le plaisir de le découvrir.
Finalement, Nathalie soumise, à son insu, à cette «analyse liquide» passera le test haut la main. Au plus grand bonheur de François. Ce passage est plein d'inventivités, et drôle.

«Elle (Nathalie) essayait de se rappeler où elle allait au moment où elle l'avait rencontré (François). C'était flou. Elle n'était pas du genre à se promener sans but. Ne voulait-elle pas marcher dans les traces de ce roman de Cortazar qu'elle venait de lire? La littérature était là, maintenant entre eux. Oui c'était ça, elle avait lu Marelle, et avait particulièrement aimé ces scènes où les héros tentent de se croiser dans la rue, alors qu'ils arpentent des itinéraires nés de la phrase d'un clochard. (...) Voilà où elle allait: dans un roman.»

La référence à une œuvre littéraire (ou artistique) bien intégrée dans un roman, qui semble couler de source: ça me plaît beaucoup. Une référence forcée, plaquée dans un texte; un étalage de pseudo-culture: ça m'horripile. David Foenkinos ne joue pas à ce jeu là, du moins pas dans son livre «Le potentiel érotique de ma femme». Vous avez vu comment il a introduit Thomas Mann. Ailleurs, dans un autre livre? Je ne pense pas.

Le chapitre 3 est tout à fait spécial. Il est composé de 4 lignes. En fait, c'est une énumération sans ponctuation finale. Les voici: «Les trois livres préférés de Nathalie / Belle du Seigneur, d'Albert Cohen * L'amant, de Marguerite Duras * La Séparation, de Dan Franck
Un message subliminal, sans aucun doute...

La vidéo suivante vous permettra de vous faire votre propre idée du roman, «La délicatesse», de David Foenkinos. Quant à moi, j'y retrouve les mêmes qualités que celles du roman «Le potentiel érotique de ma femme».

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