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dimanche 9 août 2009

Marcher, une philosophie - Les orteils de Nietzsche

Frédéric Gros, dans son livre récent «Marcher, une philosophie» publié chez Carnets Nord, titille notre curiosité avec «les orteils» de Nietzsche. J'ai recherché les dits appendices dans les écrits de l'éminent philosophe. Youpi! Je les ai dénichés dans «Ainsi parlait Zarathoustra» et «Ecce Homo», où l'on tombe sous le charme de l'écriture.

Le danseur porte son oreille dans ses orteils!
«Je viens de regarder dans tes yeux, ô vie: j'ai vu scintiller de l'or dans tes yeux nocturnes, -cette volupté a fait cesser les battements de mon cœur- j'ai vu une barque d'or scintiller sur des eaux nocturnes, un berceau doré qui enfonçait, tirait de l'eau et faisait signe! Tu jetais un regard vers mon pied fou de danse, un regard berceur, fondant, rieur et interrogateur:;deux fois seulement, de tes petites mains, tu remuas ta crécelle -et déjà mon pied se dandinait, ivre de danse.
Mes talons se cambraient, mes orteils écoutaient pour te comprendre: le danseur ne porte-t-il pas son oreille dans ses orteils!
[...]
Ô Zarasthrousta! Ne claque donc pas si épouvantablement ton fouet! Tu le sais bien: le bruit assassine les pensées, -et voilà que me viennent de si tendres pensées.
[...]
Et nous nous sommes regardés, nous avons jeté nos regards sur la verte prairie, où passait la fraîcheur du soir, et nous avons pleuré ensemble. - Mais alors la vie m'était plus chère que ne m'a jamais été toute ma sagesse.
Ainsi parlait Zarathroustra.» [dans Ainsi parlait Zarathroustra]

Comment cette idée vint à Federich Nietzsche.
Est-ce qu'il prenait la pose du Penseur de Rodin? Non pas...
«Le matin j'allais vers le sud, sur la magnifique route de Zoagli, le long des pins, d'où je découvrais l'horizon lointain de la mer; l'après-midi, je faisais le tour complet de la baie Sainta-Margharita, jusque derrière le Porto-Fino. (...)
C'est sur ces deux chemins que m'est venue l'idée de mon tout premier Zarathoustra, celle surtout du type lui-même de mon héros: pour parier juste, elle m'assaillit et m'enleva par surprise.

L'inspiration... les frissons... jusqu'aux orteils.
«On entend, on ne cherche pas; on prend, on ne demande pas qui donne; la pensée fulgurante comme l'éclair, elle s'impose nécessairement, sous une forme définitive: je n'ai jamais eu à choisir. C'est un ravissement dont notre âme trop tendue se soulage parfois dans un torrent de larmes; machinalement, on se met à marcher, on accélère, on ralentit sans le savoir; c'est une extase qui nous ravit à nous-mêmes, en nous laissant la perception de mille frissons délicats qui nous parcourent jusqu'aux orteils (...) [dans Ecce Homo]

En somme, c'est lors d'une promenade solitaire -lors d'un séjour à Sils-Maria, en Suisse- que Nietzsche a l'intuition fulgurante de l'éternel retour, thème qu'il développera amplement dans son œuvre. Avec une force de style rare, il décrit son «expérience de l'inspiration». Ce ravissement, nous pouvons le ressentir avec lui, et même l'éprouver lorsqu'une idée particulièrement brillante se présente à notre esprit -sans être, pour autant, une réincarnation de Fédérick Nietzsche.

Marcher, c'est bon pour la santé!
Marcher, c'est bon pour l'inspiration!
Marcher, pour aller courir après les 20% d'inspiration qui manquent aux 80% de transpiration!
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Citations: «Ainsi parlait Zarathoustra» et «Ecce Homo»: Ebooks.
Livre consulté: Les pages les plus célèbres de la philosophie occidentale, de Socrate à nos jours, par Denis Huisman et Marie-Agnès Malfray, Perrin, 2000. Friedrich Nietzsche (1844-1900), p.426 à p.438
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