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jeudi 3 décembre 2009

Recours aux forêts. Michel Onfray - Démocrite - Voltaire - Don Quichotte

Le Recours aux forêts. La tentation de Démocrite, un livre de Michel Onfray, vient de paraître aux Éditions Galilée. Démocrite s'en va vivre dans une cabane au fond du jardin. Le Candide de Voltaire s'en va cultiver son jardin. Don Quichotte, lui, part au loin pour détruire des moulins à vent. Mais qu'est-ce qu'ils ont tous? Un ras-le-bol (à barbe)? Dans son livre, Michel Onfray nous propose justement une réflexion sur des questions existentielles qui nous turlupinent quant à l'état du monde, et sur notre relation avec celui-ci. Sous l'égide de Démocrite, il suggère des moyens pour se délivrer des turpitudes de ce monde. Et ce, dans un texte fort, magnifiquement écrit en vers libres.

La tentation de Démocrite
Voulant prendre des nouvelles de son monde, Démocrite, philosophe dans la Grèce antique, effectua un long voyage qui le mena de la Grèce jusqu'en Inde. Il n'a pu que constater combien la vilénie des hommes était grande, pour ne pas dire sans fond comme un certain tonneau...
Aujourd'hui, il n'est plus nécessaire de se déplacer pour savoir ce que Démocrite a constaté sur place... Il n'est plus nécessaire «d'aller prendre des nouvelles», celles-ci se rendent à vous, chez vous, partout où que vous soyez, elles vous suivent... Répétitives, harcelantes, tonitruantes. Envahissantes. Rien de nouveau sous le soleil, la pluie, la neige! Démocrite est votre voisin...

Le recours aux forêts

De retour de son périple, Démocrite fit construire une cabane au fond de son jardin pour y finir sa vie en sagesse et en beauté. Michel Onfray nomme «tentation de Démocrite» et «recours aux forêts» ce mouvement de repli sur son âme dans un monde détestable.

Le monde d'avant-hier, c'est celui d'aujourd'hui, ce sera aussi celui de demain: les intrigues politiques, les calamités de la guerre, les jeux de pouvoir, la stratégie cynique des puissants, l'enchaînement des trahisons, la complicité de la plupart des philosophes, les gens de Dieu qui se révèlent gens du Diable, la mécanique des passions tristes — envie, jalousie, haine, ressentiment; le triomphe de l'injustice, le règne de la critique médiocre, la domination des renégats; le sang, les crimes, le meurtre...

«Le recours aux forêts n'est pas une célébration du retour à la terre,
c'est un éloge des racines. Cet éloge, qui n'a rien de nationaliste,
est le plus personnel d'un philosophe

dont la prose poétique est un véritable baume»
[François Busnel, «L'appel de la forêt», sur lexpress.fr]

Le repli sur son âme...

... c'est apprendre à quitter le monde tout en restant dans le monde: telle est l'alternative que proposait Démocrite à qui, conscient de la désolation alentour, refuse de céder à la haine, à la misanthropie, à l'amertume et au dédain. Il s'agit, somme toute, de se recentrer, de distinguer l'accessoire de l'essentiel. De revenir à soi, sans, pour autant, s'isoler comme un ermite. D'établir, non pas un rapport de soi à soi, mais un rapport de soi au monde.

Fatigué des misères de ce temps qui sont les ancestrales souffrances du monde,
il faut planter un chêne, le regarder pousser, débiter ses planches, les voir sécher
et s'en faire un cercueil dans lequel on ira prendre sa place dans la terre,
c'est-à-dire dans le cosmos.


Le repli sur son âme...
... consiste à retrouver le sens de la terre, autrement dit, à se réconcilier avec l'essentiel : le mouvement des astres, la logique de la course des planètes, la coïncidence avec les éléments, le rythme des saisons qui apprennent à bien mourir, l'inscription de son destin dans la nécessité de la nature.

... c'est retrouver les sensations de son enfance. Un village de province, son clocher, l'odeur de la terre après l'orage, une cour de récréation et ses marronniers, la voie lactée.

Au-dessus de ma tête, souvent, je sais le vide de Dieu
Mais plein d'étoiles
Et, parmi toutes, la seule, l'unique
Le magnétisme indéfectible d'une boussole pour Être...

Le repli sur son âme...
... c'est sentir le parfum de la nuit, marcher au clair de la lune. C'est guetter un lever de soleil, c'est toucher la rosée du petit matin. C'est admirer le soleil glisser à l'horizon puis disparaître. C'est écouter le chant des oiseaux, le bourdonnement des guêpes dans les fleurs. C'est observer une plante qui pousse dans un pot placé sur le bord de la fenêtre. C'est sentir l'odeur du bouquet de lilas... Bref, il appartient à chacun de construire sa cabane au fond des bois ou au fond de son jardin. Il appartient à chacun de dessiner son jardin. Il appartient à chacun de «cultiver son jardin» Quoi choisir?

«C'est le corps qui vous le dit»
[Entrevue de Michel Onfray avec Laurence Luret.]

Celui, ou celle, qui désire aller combattre la vilénie dans le monde devrait se poser une question essentielle: La sagesse que prône Démocrite est-elle soluble dans la vie politique?

«On voit bien que tu n'y connais rien en matière d'aventures.
Ce sont des géants;
et si tu as peur, ôte-toi de là et dis une prière,
le temps que j'engage avec eux un combat inégal et sans pitié.»
[Parole de l'ingénieux Hidalgo don Quichotte,
valeureux chevalier monté sur sa Rossinante]

«Comment concilier cette tentation de Démocrite avec «le souci des plaisirs?», se demande François Busnel. En rappelant, dit-il, évidemment, que l'hédonisme tel que l'entend Michel Onfray est un hédonisme ascétique et jubilatoire, non le synonyme de quelque débauche. [François Busnel, «L'appel de la forêt», sur lexpress.fr]

Michel Onfray évoque cette tentation dans un magnifique texte en vers libres, écrit pour être dit (au théâtre), mais également pour être lu, par vous et par moi.
Un texte fort où chaque mot vaut son pesant d'or.
Un texte qui résonne au creux de l'oreille.
Un texte en résonance avec le monde d'avant-hier, d'hier, et d'aujourd'hui.
[En lire un long extrait demain sur Livranaute]

Le Recours aux forêts: une pièce de danse-théâtre
Le texte de Michel Onfray est dit par quatre comédiens*. Je vous invite à visionner la vidéo qui présente le début de la pièce.

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Sources:
[] Entretien de Michel Onfray avec Laurence Luret sur France Inter de Radio France, à l'émission «Parenthèse», du samedi 5 septembre 2009.
[] Chronique par François Busnel (Lire), «L'appel de la forêt», sur lexpress.fr
* Pour en savoir plus sur la pièce de théâtre qui sera jouée à Limoges, cliquer ici.
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