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jeudi 31 décembre 2009

Renaissance - Érasme - Montaigne- Léry - Bruno- Rabelais - Machiavel / Nouvel Observateur

Le Nouvel Observateur publie un double numéro, un «presque livre»: «Il était une fois la Renaissance». Des articles étoffés et des plus intéressants sont consacrés aux grands auteurs de ce XVIe siècle. Érasme, Montaigne, Jean de Léry, Giordano Bruno, Rabelais, Machiavel. «Qui était Jean de Léry, jeune aventurier au long cours tant admiré par Claude Levi-Strauss? En quoi Luther était-il plus convaincant qu'Erasme? Comment Rabelais mesurait-il le raffinement intellectuel du jeune Gargantua? Comment «Le Prince» de Machiavel a-t-il annoncé le règne moderne de la communication politique? (...) Avez-vous lu le «Malleus Maleficarum»? Vous saurez tout sur ces questions, qui, à leur manière, résonnent encore d'une incroyable actualité.» [Nouvel Obs]

Le titre évocateur des articles situe d'emblée le point de vue: Libre comme Érasme; Le «je» de Montaigne; Jean de Léry, père des ethnologues; Giordano Bruno l'insoumis; Rabelais prof des écoles; Le peuple de Machiavel et, évidemment, Haro sur les sorcières. Pour vous donner une idée de ce numéro exceptionnel du «Nouvel Observateur», valable jusqu'à la prochaine décennie... en voici un aperçu. Notons que, en plus de dresser un portrait de cette période effervescente, le magazine présente , entre autres, les 100 personnalités de la décennie.


Libre comme Érasme. «Il fut un homme du livre, de l'étude. Il fut un homme de poésie et de philosophie et le plus élégant latiniste de son temps. Il fut l'homme de la liberté et du respect, contre la brutalité et le fanatisme, l'homme de la paix et des concessions mutuelles, contre la fureur fanatique et l'obscurantisme de la bêtise.[...]
Bien avant Hugo, Erasme tenait le savoir pour libérateur. Homme de prodigieuse érudition, il fit de sa culture le meilleur protecteur de son indépendance.» Jacques Drillon*
L'auteur de l'«Éloge de la folie» est le philosophe de la liberté et de la lucidité.



Le «je» de Montaigne. «On perçoit aujourd'hui les symptômes d'un regain d'enthousiasme pour les «Essais» et leur auteur, dont la raison tient sans doute à l'étrange similitude des deux époques, la sienne et la nôtre, au moins par les questions qui les agitent et la perpétuelle disputatio, comme on disait en ce temps-là, que l'opinion entretient à leur sujet. [...]
C'est bien lui l'inventeur de ce procédé magique qu'on nomme désormais l'autofiction, artifice mêlant l'imaginaire à la réalité autobiographique, et qui consiste à installer son «moi» vrai dans une hypothèse inédite.» Jean-Louis Ezine *


Jean de Léry, père des ethnologue. «En 1557, un jeune calviniste bourguignon débarque au Brésil et découvre que les Indiens tupinambas, bien que cannibales, sont des hommes. Pour Lévi-Strauss, son récit était un chef-d'œuvre. [...]
Car tout le fascinait dans chef-d'œuvre de la littérature ethnographique doublé d'un extraordinaire roman d'aventures: c'est ce bréviaire de l'ethnologue qu'il trimballait dans sa poche lorsqu'il posa le pied, pour la première fois en 1935, dans la baie de Rio. Soit 378 ans presque jour pour jour après l'arrivée de Léry au même endroit.» Grégoire Leménager*
Le récit de Jean de Léry: «Histoire d'un voyage faict en la terre du Brésil 1578»



Giordano Bruno l'insoumis. On sait que Galilée, convaincu d'hérésie en 1633, fut réhabilité sur le tard par le Vatican. Infimes sont les chances que Giordano Bruno, brûlé vif à Rome en 1600, le soit lui aussi à son tour. Il est vrai que l'un abjura sans condition, l'autre refusant de se rétracter après sept années de séquestration dans les cachots du Saint-Office. […] Si l'Eglise catholique a très bien su s'accommoder au fil du temps des avancées de la cosmologie moderne, elle n'a jamais pu digérer en revanche les innovations métaphysiques de Bruno. [...]
Après des années d'atermoiements et d'espoirs trahis, le cardinal Bellarmin, jeune ambitieux qui sera béatifié en 1930, décida de précipiter l'affaire et d'offrir enfin à son pape une belle flambée. Refusant d'acheter sa vie au prix de sa pensée, on peut considérer que Giordano Bruno resta jusqu'au bout fidèle à la devise de l'ordre dominicain qui l'avait autrefois chassé verbo et exemplo, par le verbe et par l'exemple.» Aude Lancelin*


Rabelais prof des écoles. «Aussi érudit que délirant, l'auteur de «Gargantua» et «Pantagruel»  est un théoricien de l'éducation. [...] "L'historien François Guizot, ministre de l'Instruction publique de Louis-Philippe, l'a dit: Rabelais a reconnu et signalé les vices des systèmes et des pratiques d'éducation de son temps. Il a entrevu, au début du XVIe siècle, presque tout ce qu'il y a de sensé et d'utile dans les ouvrages des philosophes modernes" L'historien Jules Michelet l'a redit: "Gargantua ne serait rien d'autre qu'un traité d'éducation qui, à sa manière horrifique, annonce l'Emile de Rousseau et son Revenez à la nature. Un esprit sain dans un corps sain : et voilà pourquoi il n'est pas besoin de détecteur de métal à l'abbaye de Thélème. Sur la porte, une «inscription » suffit, qui interdit l'entrée aux marmiteux» «cafards empantouflés"» Fabrice Pliskin*


Le peuple de Machiavel. Les réflexions que Machiavel a consacrées dans «Le Prince» à la maîtrise des apparences préparent le gouvernement de l'opinion, annonçant l'âge démocratique. […]
Machiavel ne croit pas finalement à l'efficacité des techniques qu'il décrit, car vouloir l'affection du peuple condamne le souverain à une position de dépendance qui contredit la puissance à laquelle il doit prétendre. La multiplication des efforts de persuasion souligne la fragilité du lien d'obéissance et menace l'autorité puis la société de dissolution. Pour bien gouverner, Machiavel ne voit alors pas de plus sûr moyen que la crainte: l'éveil et l'entretien de ce sentiment peut être le monopole du prince, lui garantissant ainsi la maîtrise du lien politique. Loin d'une comédie facile, la politique se fonde et ouvre sur le drame. Elle est la plus nécessaire et la plus grave de nos activités. Les princes d'aujourd'hui, passionnés de communication, ne doivent pas l'oublier car le siècle commencé paraît bien décidé à le leur rappeler.» Dominique Reynier**

Joyeuse Saint-Sylvestre!
ou...
Bon Réveillon du Jour de l'An!

Soyez prudents. On vous aime en vie!
Comme Tati... dans Jour de Fête.



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* Source: Dossier du Nouvel Obs. fin décembre 2009.
** Professeur à l'institut d'Études polotiques de Paris.
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