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lundi 27 juillet 2009

Les clins d'oeil d'Umberto Eco - Le Nom de la rose

Le clin d'oeil d'Umberto Eco, dans Le Nom de la rose, n'est pas un mouvement rapide de la paupière, comme le prétend mon ami Le Petit Robert. C'est un nom: Guillaume de Baskerville. Et un autre nom: Adso de Melk. Et encore un autre: Roger Bacon. Pour enchaîner avec mon billet d'hier, je m'en tiens à ces trois «clins d'yeux», car notre cher Umberto papillotte... dans son roman.

«Les livres ne sont pas faits pour être crus, mais être soumis à l'examen.
Devant un livre nous ne devons pas nous demander ce qu'il dit, mais ce qu'il veut dire (...)»*

Le nom de Guillaume de Baskerville est une double référence. L'une, assez évidente, au roman d'Arthur Conan Doyle, Le Chien de Baskerville, et à son célèbre détective Sherlock Holmes**. Et l'autre, plus savante, à Guillaume d'Occan. Un moine franciscain et philosophe anglais, au Moyen-Âge, pour qui le raisonnement doit s'appuyer sur les faits, et non pas sur des spéculations hasardeuses. Oh là! Chaud devant! Il est accusé d'hérésie, mais l'inquisition ne le brûlera pas... celui-là. Notons que Guillaume d'Occam se ralliera, sur le tard, à la querelle de la pauvreté présente dans le roman et le film.


Le nom Adso de Melk aurait un lien avec l'abbaye bénédictine de Melk -en Basse-Autriche- dont Umberto Eco se serait inspiré. L'une est splendide et remplie de sérénité; l'autre, laide, sale, inquiétante, habitée par des moines à l'avenant, de vraies gargouilles -sauf l'abbé.
On peut voir dans ce personnage «un Watson» qui raconte les hauts faits de son maître qui enquête sur une série de meurtres commis dans une abbaye où le diable mène le bal, et dont il a été témoin. Adso, un disciple subjugué par la grande capacité de déduction du frère Guillaume -un raisonneur.

Le nom de Roger bacon. Sens de l'observation... analyse des faits... capacité de déduction... raisonnement logique... Ces qualités d'un esprit scientifique attribuées à Guillaume de Baskerville sont justement celles de son maître à penser Roger Bacon, dont il cite l'expérience visant à vérifier le lien entre la coupe du diamant et le sang de bouc... -?!!le diamant et les cheveux?!! vivement une contre-expertise scientifique. Le personnage cite donc un moine, ayant vécu au Moyen-Âge, persécuté par l'Église qui veille au grain.
«Aucun discours ne donne la certitude, tout repose sur l'expérience», écrit Roger Bacon, une brebis égarée... De quoi secouer le troupeau de Panurge et faire tanguer le navire!

Est-ce que ces références tiennent la route?
Pour ce qui est du nom de Guillaume de Baskerville, Umberto Eco est passé aux aveux... volontaires.
Tout de même, quelle géniale trouvaille que ce nom formé d'une alliance subtile entre une personne et un personnage. Entre un savant méconnu, prénommé Guillaume (d'Occan) et l'enquêteur archiconnu, Sherlock Holmes, via un lieu où est situé un roman, (Le Chien) de Baskerville.

Le lien entre Adso et Watson, deux personnages romanesques, peut être logiquement déduit, car Umberto Eco est un lecteur de Conan Doyle. Holmes et Watson font la paire, et c'est à ce dernier qu'on doit les récits des aventures du grand Holmes. Que serait Holmes sans Watson, sinon un illustre inconnu? De même, dans Le Nom de la rose, Adso de Melk est un interlocuteur et un témoin indispensables. Que serait Guillaume de Baskerville sans le vieil Adso qui s'empresse, à la fin de sa vie, de raconter «l'aventure périlleuse» de son maître? Tout se tient comme un beau pain de sucre d'érable... gardé au sec.

À bien y penser, il n'est pas surprenant qu'Umberto Eco, sémiologue, philosophe, linguiste, fasse référence à Roger Bacon, philosophe, scientifique et linguiste -avant la lettre- auteur de deux grammaires. À des siècles de distance, la pensée de ces deux savants se rejoignent.

Si vous n'avez vu que le film, sachez que vous êtes manchot...
Le film privilégie certains aspects, tels l'obscurantisme, les conflits dans l'Église, la misère... C'est la toile de fond où se déroule l'action. C'est un excellent film. Mais, il contient pas le roman... il en tire des passages.
Le livre, lui, peint une fresque du Moyen-Âge, un large tableau, qui situe l'intrigue. Il n'a pas les limites du cinéma. C'est une lecture passionnante, sans temps mort...
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* Citation tirée de Le Nom de la rose, et mentionnée dans mon billet d'hier.
** Pour lire le roman, au complet et en français, cliquez ici. Il convient de remercier Sabine Bonenfant qui a saisi le texte.
Source des données
: Wikipedia, notre encyclopédie à tous. Le Nom de la rose.
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