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dimanche 26 juillet 2009

Umberto Eco - Le Nom de la rose / L'unicorne

Vous avez lu Le Nom de la rose, de Umberto Eco, paru en 1980? Vous avez vu le film de Jean-Jacques Annaud, qui date de 1986? Dans un cas comme dans l'autre, le passage concernant l'unicorne ne vous a, sûrement pas, échappé. L'avantage du livre sur le film, c'est qu'il permet de s'attarder sur une page aussi longuement qu'on le souhaite, alors le film enchaîne ses 24 images/seconde.

Examinons le dialogue entre Guillaume de Baskerville et son jeune disciple Adso.
«Tu vois (Adso), ils ont placé au milieu des monstres et des mensonges mêmes ces ouvrages scientifiques dont les chrétiens ont tant à apprendre. (...)»
«Mais pourquoi ont-ils également mis dans les faussetés un livre avec l'unicorne? demandai-je.»

Pour Adso, l'unicorne est la figure du Christ et de la chasteté. Son maître lui répond:
«C'est ce qu'on dit, Adso. Mais beaucoup sont enclins à penser qu'il s'agit là d'une fable inventée par les païens.»
Quelle déception pour Adso: il aurait aimé rencontrer un unicorne sur un chemin forestier.
«Je ne dis pas qu'il n'existe pas. Peut-être est-il différent de la façon dont le représentent les livres.»
Un voyageur vénitien, lui dit-il, avait déjà vu des unicornes. Mais, il les avait trouvés d'une grande laideur et noirs.
Décu, Adso demanda comment on peut se fier à la science antique si elle est transmise par des livres mensongers.

«Les livres ne sont pas faits pour être crus, mais pour être soumis à l'examen. Devant un livre nous ne devons pas nous demander ce qu'il dit, mais ce qu'il veut dire. (..) L'unicorne (...) masque une vérité morale, ou allégorique, ou analogique, qui demeure vraie, comme demeure vraie l'idée que la chasteté est une noble vertu. (...) reste à voir de quelles données de l'expérience originaire est née la lettre. La lettre doit être discutée (...) Il est écrit dans un livre que le diamant ne se taille qu'avec le sang du bouc. Mon grand maître Roger Bacon dit que ce n'était pas vrai, simplement parce que lui s'était essayé, et sans résultat.»

Ce dialogue dont je n'ai livré qu'une partie nous amène à conclure...
... que la science, antique ou à la fine pointe, n'a pas le monopole de la vérité.
... que les fictions , artistiques, religieuses ou mythologiques, contiennent une part de vérité.

Ce dialogue nous interpelle. Il nous incite à examiner la science et la fiction avec un esprit critique.
Sur quels faits, quelles données, quelles hypothèses, quels échantillons, quelles observations se basent les résultats de recherche dont les médias font leurs choux gras? Ce qu'ils rapportent est si mince qu'il est souvent difficile d'y voir clair. Il faut donc se fier à des sources fiables. Par exemple, l'émission radio Les Années lumière, diffusée en direct ou en différé.

Au fait, le diamant et le sang de bouc, ça vous dit quelque chose? Le diamant et vos cheveux, célèbres ou pas, ça vous dit quelque chose? M'aviez-vous vue venir avec mes jolies tongs? Ah! Ah! Vous voyez comme un vieux livre de 1980 peut être actuel. Évidemment, il a été écrit par Umberto Eco.

Même si le champ de la fiction en mène plus large que le domaine scientifique, encore faut-il que ses éléments soient plausibles, selon le contexte. Le rat des villes ne parle pas comme le rat des champs. La vessie n'est pas une lanterne.
Un livre écrit à la va-comme-je-te-pousse, une histoire qui ne se tient pas de debout, un livre plein de lieux communs, un livre sans cesse réécrit: à fuir! Il y a tant de bons et beaux livres, de nouveaux et d'anciens livres, il y a tant de choix... et le temps de lire est si court...

Le livre est un objet culturel, mais souvent on le traite comme un vil produit commercial lisez-jetez et passez-au-suivant. Gardons l'oeil ouvert, et le bon...
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