La nuit est noire. Depuis le début des temps, la nuit exerce une fascination sur l'Adam*. Elle inspire des craintes. C'est le royaume des ombres, des âmes errantes. Des monstres se tapissent dans les coins et recoins. Des créatures étranges la hantent. Des êtres malfaisants rôdent, ils guettent leur proie. Les chauves-souris volent en rase-mottes. Les vampires envahissent les alentours. La forêt, la nuit, est maléfique, redoutable.
[Cliché: Éclipse au pays du Soleil levant]**
[Cliché: Éclipse au pays du Soleil levant]**
Que vienne la nuit étoilée! Que brille la Lune! L'Adam* lève les yeux vers le ciel. Calme ses angoisses. Espère le jour.
Qui peut dire la nuit mieux que le poète? Dans son recueil posthume, cœur par cœur, Roland Giguère nous a laissé de magnifiques poèmes. «Écoutez vous» lire, à haute voix ou dans votre tête, les extraits de À la faveur de la nuit. Vous pourrez ainsi vous laisser bercer par la musique douce et scandée de ses mots, pourtant, si familiers.
À la faveur de la nuit
Noir comme on dit nuit / noir comme on écrit ce soir / sans plume sans encre et sans souci
noir profond et radieux / la lueur en fin de ligne
lumière enfin / lumière aux mains
soleil en tête / et voie lactée
liberté qui suit / dans nos pas croisés.
Profondément sombre / mais sans ombre pourtant
la vie coule au fond / des marges perdues.
*
La nuit règne ici / comme à ses plus beaux jours
la vie passe ainsi du noir au blanc / du blanc au gris / avec ses beaux dégradés
ses effacements / ses estompes / ses repentirs
la vie gravée au fil des heures.
Noir d'animal / noir d'ivoire et de bitume / noir d'ébène et de fumée / noir de peine et de suie
noir de toujours / durant la nuit qui finit / quand le jour se lève / dans sa robe du soir.
*
Il n'y a plus d'ombre ici / plus d'ombre plus de plis / la page est lisse et nue / sans tache sans écrit.
Rideaux tirés rideaux fermés / fenêtres closes et portes verrouillées / rien n'entre ici rien n'envahit
que l'ombre que le silence
un frôlement d'ailes à la vitre embuée.
[...]
Une histoire sans lune ce soir / une histoire inventée une histoire insensée
de paroles perdues dans le vent
une histoire sans fin qui commence / ce matin et ne finira pas demain
une histoire à ne pas raconter dans vos beaux livres d'images.
[Fin du poème]
___noir profond et radieux / la lueur en fin de ligne
lumière enfin / lumière aux mains
soleil en tête / et voie lactée
liberté qui suit / dans nos pas croisés.
Profondément sombre / mais sans ombre pourtant
la vie coule au fond / des marges perdues.
*
La nuit règne ici / comme à ses plus beaux jours
la vie passe ainsi du noir au blanc / du blanc au gris / avec ses beaux dégradés
ses effacements / ses estompes / ses repentirs
la vie gravée au fil des heures.
Noir d'animal / noir d'ivoire et de bitume / noir d'ébène et de fumée / noir de peine et de suie
noir de toujours / durant la nuit qui finit / quand le jour se lève / dans sa robe du soir.
*
Il n'y a plus d'ombre ici / plus d'ombre plus de plis / la page est lisse et nue / sans tache sans écrit.
Rideaux tirés rideaux fermés / fenêtres closes et portes verrouillées / rien n'entre ici rien n'envahit
que l'ombre que le silence
un frôlement d'ailes à la vitre embuée.
[...]
Une histoire sans lune ce soir / une histoire inventée une histoire insensée
de paroles perdues dans le vent
une histoire sans fin qui commence / ce matin et ne finira pas demain
une histoire à ne pas raconter dans vos beaux livres d'images.
[Fin du poème]
Source: Coeur par coeur, Roland Giguère, L'Hexagone, 2004, 79 pages. Extraits: p42 à p.45, p.53.
* L'Adam. Dans la Bible, nouvelle traduction, Bayard/Médiapaul, 2001, on désigne ainsi l'être humain. Soit dit en passant, le texte est de toute beauté. L'explication est savante, le mot savoureux. Et nous, mesdames, pouvons croquer la pomme d'Adam, enfin...
** Mes remerciements à Julien Bourdet, journaliste à Ciel & Espace. «Le 22 juillet (2009) la plus longue éclipse du Soleil du XXIe siècle... Lire la suite...