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mardi 21 juillet 2009

Paul Valéry - La Lune - La Terre

«Nous autres, civilisations, nous savons que nous sommes mortelles», écrit Paul Valéry dans la fameuse lettre parue en 1919 -j'y reviendrai. Nous avons vu, et revu, le premier homme -Neil Armstrong- marcher sur la Lune, le 20 juillet 1969 et hier. Nous savons, avec certitude, que la Lune n'invite pas au voyage, moins encore -si d'aucuns ont pu le croire- à sa colonisation. La Lune est un astre dépourvu d'air et d'eau, au paysage aride: nous le savons, nous l'avons vu de nos yeux vu. La Lune est inhospitalière.

Entendons-nous bien. La Lune est le satellite de la Terre, et ne peut changer de nature pour devenir une planète, une autre Terre. Dire que si la Terre sera trop polluée, si elle devient invivable, nous pourrons aller nous installer sur une autre planète, dire cela relève de la pure fantaisie.
Et voilà, on me sert du Jules Verne! Pourquoi pas du Tintin? J'en reste, chaque fois, sidérée: une telle ineptie m'assomme. Le cousin Pons me pompe l'air, je vous l'assure. Je me contente de détourner la conversation -un bien grand mot pour exprimer le vide. Le cousin Pons et ses semblables sont des croyants... crédules.

Hubert Reeves, l'astrophysicien renommé, le dit: la Terre peut continuer sans nous. C'est nous qui avons besoin de la Terre, et non pas l'inverse. Notre civilisation pourrait bien s'éteindre. La Terre et la Lune, l'Univers entier, dans une immuable indifférence, continueront... sans nous.
Si «notre planète» n'est plus vivable, où irons-nous? Nulle part, car il n'y a nulle part où aller? Comme dirait l'autre, quand vous verrez arriver la fin -si cela devait se produire- empressez-vous de faire un enfant de 8 ans. Comme ça, vous pourrez prendre la route, tels le père et le fils dans La Route de Cormac McCarthy...
Sachez bien que je ne dirai pas ça au Cousin Pons: il serait bien capable de me croire...

Au lendemain de la première guerre mondiale (1919), paraissait dans «La crise de l'esprit» la fameuse lettre de Paul Valéry. Elle commençait ainsi:
«Nous autres, civilisations, nous savons que nous sommes mortelles. Nous avons entendu parler de mondes disparus en entier, d'empires coulés à pic avec tous leurs hommes et tous leurs engins (...). Nous savions bien que toute la terre est faite de cendres et que la cendre signifie quelque chose*. Nous apercevions à travers l'épaisseur de l'histoire, les fantômes d'immenses navires qui furent chargés de richesse et d'esprit. Nous ne pouvions pas les compter. Mais ces naufrages après tout n'étaient notre affaire. Elam, Ninive, Babylone étaient de beaux noms vagues, et la ruine totale de ces mondes avait aussi peu de signification pour nous que leur existence même. Mais France, Angleterre, Russie... ce seraient aussi de beaux noms. Lusitania aussi est un beau nom. Et nous voyons maintenant que l'abîme de l'histoire est assez grand pour tout le monde. Nous sentons qu'une civilisation a la même fragilité qu'une vie.»**

La civilisation a la même fragilité qu'une vie. À méditer...
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* «Puis ils repartirent le long du macadam dans la lumière couleur métal de fusil, pataugeant dans la cendre, chacun tout l'univers de l'autre.» Extrait de La Route de Cormac McCarthy, publié sur Livranaute (billet du 14 juin 2009).
** Ce passage, tiré de La Pléiade, I, p. 988, est cité dans Les essais de Paul Valéry, Éditions de la Pensée Moderne, 1964, p.189-p.190.
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Psitt! Vous me trouvez bien grave, aujourd'hui? Demain, je change de registre. Sujet: Un combat de Coqs Gaulois. Oui... deux majuscules: un peu de respect, tout de même!
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