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jeudi 8 octobre 2009

Fables - La Cantatrice chauve / Eugène Ionesco

«Fables, tirées de «La Cantatrice chauve», de Eugène Ionesco. Fables, anecdotes ou histoires, Le Pompier raconte à la bonne compagnie, Mme et M. Smith, Mme et M. Martin, «des choses» qu'il a expérimentées lui-même. «Pas dans les livres»... Pensez donc! D'ailleurs, M.Smith estiment que «les histoires de pompier» tiennent le haut du pavé. Dans un instant, nous retrouverons Le Pompier dans le salon des Smith. Auparavant, une question: d'où vient ce titre «La Cantatrice chauve». Eugène Ionesco l'aurait-il inventé de toutes pièces?

Qui est donc cette «fâmeuse» «Cantatrice chauve»?
«Cédant aux impératifs du théâtre aussi bien qu'à son penchant naturel, Ionesco grossit démesurément les effets, accentue la banalité jusqu'à l'absurde, invente une pendule insolite, trouve un rythme et conçoit un dénouement. Restait le titre. L'auteur avait songé à «L'Anglais sans peine», puis à «L'Heure anglaise». Finalement, la cocasserie du hasard trancha: Henri-Jacques Huet ayant eu un lapsus en répétant le monologue du «Rhume», métamorphosa une «institutrice blonde» en «Cantatrice chauve». Ce coup de baguette magique qui alliait la mystification à la provocation ne pouvait que séduire l'auteur.»

Eugène Ionesco avait d'abord rédigé une version en roumain, intitulée «L'Anglais sans professeur», sous-titrée «Comédie inédite en un acte». Cette pièce était, en fait, une parodie de l'apprentissage de l'anglais, La méthode Assimil lui ayant fourni les matériaux de base. Seul le personnage Le Pompier résiste à l'Assimil...
La version française, «La Cantatrice chauve», diffère de la version roumaine sur plusieurs aspects.

Pendant ce temps, dans le salon des Smith...
  • Le Pompier: Voulez -vous que je vous raconte des anecdotes?
  • Mme Smith: Oh, bien sûr, vous êtes charmant.
  • M. Smith, Mme Martin, M. Martin: Oui, oui, des anecdotes, bravo!
  • M. Smith: Et ce qui est encore plus intéressant, c'est que les histoires de pompier sont vraies, toutes, et vécues.
  • Le Pompier: Je parle des choses que j'ai expérimentées moi-même. La nature, rien que la nature. Pas les livres.
  • M. Martin: C'est exact, la vérité ne se trouve d'ailleurs pas dans les livres, mais dans la vie.

«Le Chien et le bœuf»
Fable expérimentale: un autre bœuf demandait à un autre chien: «pourquoi n'as-tu pas avalé ta trompe?» «Pardon, répondit le chien, c'est parce que j'avais cru que j'étais un éléphant.»
  • Mme Smith: Quelle est la morale?
  • Le Pompier: C'est à vous de la trouver.
  • M. Smith: Il a raison.
  • Mme Smith, furieuse: Une autre

«Un jeune veau»
Un jeune veau avait mangé trop de verre pilé. En conséquence, il fut obligé d'accoucher. Il mit au monde une vache. Cependant, comme le veau était un garçon, la vache ne pouvait pas l'appeler «maman». Elle ne pouvait lui dire «papa» non plus parce que le veau était trop petit. Le veau fut alors obligé de se marier avec une personne et la mairie prit alors toutes les mesures édictées par les circonstances à la mode.
  • M. Smith: À la mode de Caen
  • M. Martin: Comme les tripes.
  • Le Pompier: Vous la connaissiez donc?
  • Mme Smith: Elle était dans tous les journaux.
  • Mme Martin: Ça s'est passé pas loin de chez nous.
  • Le Pompier: Je vais vous en dire une autre.
«Le Coq»
Une fois, un coq voulut faire le chien. Mais il n'eut pas de chance, car on le reconnut tout de suite.
  • Mme Smith: Par contre, le chien qui voulut faire le coq n'a jamais été reconnu
«Le Rhume»
Mon beau-frère avait, du côté paternel, un cousin dont l'oncle maternel avait un beau-père dont le grand-père paternel avait épousé en secondes noces (...) lui-même fils naturel d'un médecin de campagne, marié trois fois de suite dont la troisième femme...
[Le Pompier trace l'arbre généalogique du beauf... 30 lignes, une phrase, qui se termine par 3 points de suspension, car le Pompier, interrompu, continue son histoire comme si de rien n'était. Ainsi va la conversation!]
  • M. Martin: J'ai connu cette troisième femme, si je ne me trompe. Elle mangeait du poulet dans un guêpier.
  • Le Pompier: C'était pas la même
  • Mme Smith: Chut!
Je dis: ... dont la troisième femme était la fille de la meilleure sage-femme de la région et qui, veuve de bonne heure...
  • M. Smith: Comme ma femme.

... s'était remariée avec un vitrier, plein d'entrain, qui avait fait, à la fille d'un chef de gare, un enfant qui avait su faire son chemin dans la vie...
  • Mme Smith: Son chemin de fer...
  • M. Martin: Comme aux cartes.

... Et avait épousé une marchande de neuf saisons, dont le père avait un frère, maire d'une petite ville, qui avait pris pour femme une institutrice blonde dont le cousin pêcheur à la ligne...
  • M. Martin: À la ligne morte?

... avait pris pour femme une autre institutrice blonde, nommée elle aussi Marie, dont le frère s'était marié à une autre Marie, toujours institutrice blonde...
  • M. Smith: Puisqu'elle est blonde, elle ne peut être que Marie.

... dont le frère avait été élevé au Canada par une vieille femme qui était la nièce d'un curé dont la grand-mère attrapait, parfois, en hiver, comme tout le monde, un rhume.
[Après plusieurs interventions...]
  • Mme Martin. Excusez-moi, monsieur le capitaine, mais je n'ai pas très bien votre histoire. À la fin quand on arrive à la grand-mère du prêtre, on s'empêtre.
  • M. Smith: Toujours, on s'empêtre entre les pattes du prêtre.
  • Mme Smith: Oh oui, Capitaine recommencez! tout le monde vous le demande.
  • Le Pompier: Ah! je ne sais pas si je vais pouvoir. je suis en mission de service. Ça dépend de l'heure qu'il est.
  • Mme Smith: Nous n'avons pas l'heure chez nous.
  • Le Pompier: Mais la pendule?
  • M. Smith: Elle marche mal. Elle a l'esprit de contradiction. Elle indique toujours le contraire de l'heure qu'il est.
Et le «Rhinocéros»?
Pour l'instant, je ne l'ai pas sous la main. Il est resté dans mon billet du 20 septembre 2009. Pour rendre visite au «Rhinocéros», et voir quelle tête lui a faite le metteur en scène Iranien (à Téhéran), voyez:
http://litteranaute.blogspot.com/2009/09/rhinoceros-eugene-ionesco-actualite.html [oui, la page existe].

Merci de me lire! À demain...
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Source: «La Cantatrice chauve», Eugène Ionesco, Éditions d'Emmanuel Jacquart. Coll. Folio Théâtre, Gallimard, 153 pages, extraits des p.79 à p.87. Une excellente édition présentée, établie et annotée par Emmanuel Jacquart.
Pour plus de détails, cliquez ici.
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