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vendredi 9 octobre 2009

Les dépossédés / Nobel de littérature 2009

Les dépossédés / Nobel de littérature 2009. Saluant «la densité de sa poésie et la franchise de sa prose qui dépeignent l'univers des dépossédés», le Comité Nobel de l'Académie suédoise (Svenska Akademien) vient de décerner le Prix Nobel de littérature à Herta Müller «who, with the concentration of poetry and the frankness of prose, depicts the landscape of the dispossessed». Roumaine, de langue maternelle allemande (elle apprendra le roumain à l'école, en tant que langue étrangère), Herta Müller a vécu, dans un village archaïque au fascisme refoulée, sous le régime totalitaire de Ceaucescu, dont elle est le témoin. «Ses romans donnent avec leurs détails ciselés une image de la vie quotidienne dans une dictature pétrifiée».

À partir de 1945, sa mère a passé cinq ans dans un camp de travail soviétique. Se basant sur l'expérience vécue par sa mère, Herta Müller publiera en 2009, «Atemschaukel», où elle décrit le dur exil des Germano-roumains en Union soviétique.

Durant la Deuxième guerre mondiale, son père a servi dans l'armée Waffen-SS. S'enfermant dans un mutisme, il n'a jamais répondu aux questions de sa fille. «Père, un menteur. Ils mentent tous avec leur silence.» Ce père, sans repentir, mourra en 1979. Avec le recul, Herta Müller pourra se mettre à écrire.

Licenciée parce qu'elle avait refusé de collaborer avec la Securitate (les services secrets roumains), mise sous écoute, menacée, harcelée, interdite de publication, Herta Müller a pu quitter la Roumanie, avec son époux l'écrivain Richard Wagner, en 1987 grâce à la pression de l'Union des écrivains en RFA et du Pen-Club.

«Dans "Niederunger" (1982), elle décrit, à travers le regard d'un enfant, la vie horrible de ces paysans du Banat (communauté allemande d'origine souabe)*, si fiers d'être allemands. L'écriture dense et précise de ce premier livre lui a valu plusieurs prix littéraires en RFA.

En 1984, elle publie un recueil de récits, Les Bas-fonds, qu'elle avait réussi à faire sortir clandestinement de Roumanie. Recueil salué par la critique, qui la fit connaître. La même année, elle publie un nouveau, «Drückender Tango». Dans ces deux premiers livres elle «décrit la vie dans un petit village où sévissent la corruption, l'intolérance et l'oppresion, note le Comité Noble de littérature.

Trois de ses livres, traduits en français, retiennent, pour l'instant, l'attention. je vous les présente brièvement.

«L'homme est un grand faisan sur terre»
Depuis que le meunier Windisch veut émigrer, il voit la fin partout dans le village. Peut-être n'a-t-il pas tort. Les chants sont tristes, on voit la mort au fond des tasses, et chacun doit faire la putain pour vivre, a fortiori pour émigrer.

Windish a beau livrer ses sacs de farine, et payer, le passeport se fait toujours attendre...
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«Le Renard était déjà le chasseur»
Dans la Roumanie de Ceausescu, Adina s'aperçoit que des inconnus découpent jour après jour, en son absence, la fourrure de renard qui décore son appartement.

À cause de cette menace, la jeune enseignante proche d'auteurs-compositeurs se sait espionnée par les services secrets et découvre qu'une de ses amies fréquent justement un officier de la Securitate. Le renard est le chasseur...
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«La Convocation»
Depuis que le réveil, en guise de tic-tac, dit con-vo-ca-tion, je n'ai pu m'empĉcher de penser au commandant Albu (...).

Dès que la fenêtre est devenue grise, j'avais vu au plafond la bouche d'Albu en très grand, le bout de sa langue rose
derrière sa denture...
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Le thème des «dépossédés» est récurrent dans son œuvre. Dans ses écrits, en vers ou en prose, Herta Müller convoque la société roumaine scélorée par le régime Ceaucescu. «L'expérience essentielle de ma vie, c'est en Roumanie que le l'ai vécue, sous la dictature. (...). En partant, j'ai emporté mon passé». Son écriture unique, au style acéré, se reconnaît dès les premières pages.
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* Pour échapper aux griffes de Nicolae Ceausescu, la plupart de ces "Volksdeutschen", ont demandé le rapatriement en RFA (dans les années '80) faisant l'objet d'un trafic de marchandise humaine: 8 000 deutsche Marks par tête, 12 visas par an.
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