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mercredi 7 octobre 2009

L'immortalité / Prix Nobel de la médecine

«L'immortalité / Prix Nobel de la médecine». Trois professeurs-chercheurs, biologistes, viennent de recevoir le prix Nobel de la médecine, Elizabeth Blackburn, Carol Greider, Jack Szostak. «Le Nobel salue la recherche contre le vieillissement», titre sobrement Le Figaro.fr -santé. En sous-titre: «Ces travaux ouvrent aussi des perspectives dans la lutte contre le cancer». Travaux qui démontrent«comment les télomères et l'enzyme télomérase protègent les chromosomes du vieillissement» (comité Nobel). Faisons donc connaissance avec ces agent prometteurs, question de s'assurer que nous sommes bien sur le chemin de l'immortalité.

La télomérase et le vieillissement
Les télomères, composés d'ADN, sont situés aux extrémités des chromosomes. Ils ont la propriété de raccourcir au fil de la division cellulaire. À un moment donné, la cellule ne peut plus se reproduire, elle meurt. Ici intervient la télomérase, une enzyme découverte par les trois chercheurs, qui a la capacité d'empêcher le raccourcissement des télomères, donc de retarder la sénescence (processus physiologique du vieillissement).

«De là à croire que l'on a découvert le secret de l'immortalité de l'homme,
il n'y a qu'un pas que l'on ne peut absolument pas franchir.» Le Figaro

Oups! Quel rabat-joie! Joie hâtive, disons-le, sans fondement réel. La recherche, qui en est à ses débuts, comporte une autre face... le cancer. Dès lors, inutile de se mettre martel en tête. Ce n'est pas demain la veille...

La télomérase et le cancer
En bref, si les tolémères sont raccourcis, les cellules vieillissent. Une activité élevée de la télomérase arrive à contrer ce phénomène.
Mais, par contre, dans certains cancers (pas tous), la télomérase contribue à la prolifération maligne. Il faut donc bloquer la télomérase pour que la prolifération des cellules cancéreuses s'épuise. Ce faisant, on accélère le vieillissement des cellules...
Nous voilà donc pris entre deux feux... et deux défis.

Les deux défis majeurs de l'humanité
La lutte contre le vieillissement et la lutte contre le cancer reposent, paradoxalement, sur deux mécanismes opposés de la télomérase. Dans le premier cas, il faut la stimuler; dans l'autre cas, il cas l'inhiber.

Peut-on parler d'une «enzyme de l'immortalité», de «jeunesse éternelle» comme le font les médias, en grosses lettres et à pleins poumons? Le vent d'automne souffle fort sur Internet: dans de nombreux commentaires, on en parle comme s'il s'agissait un état de fait. J'ai observé que les médias mettent surtout l'accent sur «l'immortalité et la jeunesse»: c'est un côté de la médaille.
Le miroir de Narcisse... Le miroir aux alouettes...

En attendant... si on nous réparait...
2007. Dans «Les cellules souches porteuses d'immortalité» (Odile Jacob), Nicole Le Douarin, pose une question de base: Pourquoi certains animaux tels que le triton, l'hydre... ont le pouvoir de régénérer un membre, alors que d'autres animaux et que l'homme, en particulier, n'en sont pas capables? Elle nous dit que les travaux sur les cellules souches allaient permettre, à court terme, de «réactiver les mécanismes de la régénération pour "rénover" des organes lésés». Elle y rappelle «l'aventure de la brebis Dolly»... et celle, honteuse, des fumisteries dont elle a, involontairement, donné lieu. On se souvient de l'engouement des médias, et de leur crédulité... à faire pleurer un oignon.

Immortalité! Le thème est discuté dans le livre, mais le mot est lâché dans la nature, sans retenue... Les porteuses d'immortalité... Il y a de quoi faire rêver les porteurs d'eau, et les colporteurs de nouvelles!
Le livre, écrit dans un langage compréhensible par tous, présente l'état des connaissances, le plus complet et plus actuel sur les cellules souches ainsi qu'un historique documenté de la recherche dans ce domaine. Mais, tout de même, le mot «immortalité», dans le titre, prête à confusion. Il faut lire le livre, ou des extraits, ou écouter des entrevues pour en comprendre le sens. Sans cela, il peut y avoir méprise...
Pour lire la quatrième de couverture, cliquez ici.

2007. «Coup de tonnerre: le Japonais, Shinya Yamanaka parvient à créer une cellule souche «artificielle» à partir d'une peau humaine.» Il a reprogrammé son matériel génétique pour lui faire remonter le temps jusqu'au stade où elle était une cellule souche (ES). Cellule, on le sait, indifférenciée. «La première source inépuisable de cellules réparatrices (venait) d 'être inventée» On les nomme les cellules souches induites (IPS). Les applications n'ont pas tardé, par exemple, les injections de IPS dans le cœur des patients atteints d'insuffisance cardiaque...

J'ai appris cette avancée de la science -qui pourrait m'être utile un jour, sait-on jamais- dans un article de la revue «Science & Vie» d'août 2009, intitulé «La jeunesse éternelle... en utilisant le pouvoir des cellules souches», faisant partie du dossier «La science aux portes de l'impossible».

La jeunesse éternelle! De pièces de rechange en pièces de rechange pour les tissus ou les organes, on pourrait nous remettre à neuf comme de «vraies jeunesses». Ou nous garder jeunes -c'est selon... en dedans comme en dehors!
J'ai alors porté un regard attendri sur ma vieille bagnole. De pièces de rechange en pièces de rechange, elle est toujours, et encore, une vieille bagnole.
Il y de quoi crier à l'injustice... Quand je pense aux robots qui pourront s'autoréparer et se reproduire dans un avenir rapproché...

«Souviens-toi, ô homme, que tu es mortel»

Goûtons au sel amer de la sagesse
Pour l'instant... et pour longtemps... nous sommes et resterons mortels et vulnérables. Marchons donc sur le chemin de la sagesse en présence de grands philosophes, penseurs de notre humble condition humaine.

Sénèque. Brièveté de la vie
«L'immortalité est ce qui survit sans fin dans la mémoire des hommes, ce qui est pérenne. L'envers de la pérennité est la brièveté. Ah! Ah oui, Sénèque «De la brièveté de la vie» Oui. (comme dirait Satie)

«(...) Mortels, vous vivez comme si vous deviez toujours vivre.
Il ne vous souvient jamais de la fragilité de votre existence; vous ne remarquez pas combien de temps a déjà passé; et vous le perdez comme s'il s'écoulait d'une source intarissable, tandis que ce jour, que vous donnez à un tiers ou à quelque affaire, est peut-être le dernier de vos jours. Vos craintes sont de mortels; à vos désirs, on vous dirait immortel».
(Sénèque, De la brièveté de la vie, trad. M. Charpentier, 1860, sur Wikisource)

Épicure. La mort
«Familiarise-toi avec l'idée que la mort n'est rien pour nous, car tout bien et tout mal réside dans la sensation; or, la mort est la privation complète de cette dernière. Cette connaissance certaine que la mort n'est rien pour nous a pour conséquence que nous apprécions mieux les joies que la vie nous offre parce qu'elle n'ajoute pas une durée limitée, mais nous ôte au contraire le désir d'immortalité. En effet, il n'y a plus d'effroi dans la vie pour celui qui a compris que la mort n'a rien d'effrayant. Il faut ainsi considérer comme un sot celui qui nous dit que craignons la mort, non pas parce qu'elle nous afflige quand elle arrive, mais parce nous souffrons à l'idée qu'elle arrivera un jour. Car si une chose ne nous cause aucun trouble par sa présence, l'inquiétude qui est attachée à son attente est sans fondement, Ainsi, celui des maux qui fait le plus frémir n'est rien pour nous, puisque tant que nous existons la mort n'est pas, et quand la mort est là nous ne sommes plus. La mort n'a, par conséquent, aucun rapport ni avec les vivants ni avec les morts, étant donné qu'elle n'est rien pour les premiers et que les derniers ne sont plus.
La foule tantôt fuit la mort comme le plus grand des maux, tantôt «la désire» comme le terme «des misères» de la vie. «Le sage par contre ne fait pas fi de la vie» et ne craint pas la mort, car la vie ne lui est pas à charge et il ne considère pas la non-existence comme un mal.»
Lettre à Mécénée sur la morale, traduction de Brun, P.U.F., coll. SUP*

Commentaire: Épicure annule la peur de la mort en montrant qu'elle n'est qu'un mot vide de toute réalité. Quand la mort n'est pas là, on est vivant; quand la mort est là, on n'est plus là. Il s'agit donc d'une rencontre impossible... qui ne peut, ou ne saurait, nous effrayer.

Épictète. Acceptation de la mort
«Dans une navigation, quand le navire a abordé, et que tu es sorti faire provision d'eau, tu pourras bien, chemin faisant, ramasser un coquillage, un oignon: mais il te faut garder la pensée tendue vers le navire, sans cesse te retourner pour t'assurer que le pilote ne t'appelle pas, et, s'il t'appelle, laisse tout cela, sous peine d'être ligoté et jeter à bord comme du bétail. Il en va de même dans la vie; qu'il te soit donné, au lieu d'oignon et de coquillage, une femme, un enfant, rien ne s'y opposera; mais si le pilote t'appelle cours vers le navire, et laisser tout cela sans même te retourner. Et si tu es vieux, ne n'écarte jamais beaucoup du navire, de peur de manquer un jour à l'appel.»
Manuel, traduction de Bréhier, P.U.F., coll. Grands textes philosophiques.*

Commentaire: Nous sommes quel est notre terme ultime. Ainsi les biens qui nous ont été impartis pour un temps sont-ils sans valeur.

Montaigne. L'homme et la mort
«Si c'était ennemi qui se pût éviter, je conseillerais emprunter les armes de la couardise; mais puisqu'il ne se peut, puisqu'il vous attrape fuyant et poltron aussi bien qu'honnête homme.
"Certes, il poursuit l'homme qui le fuit, n'épargne aux jarrets, ni au dos timide, peureuse jeunesse" (Horace)

et que nulle trempe de cuirasse vous couvre.
"Il a beau se cacher sous le fer et l'airain: la mort débusquera bien cette tête abritée." (Properce)

(...) "Tiens pour ton dernier jour chaque jour qui te luit: bénis-en la faveur et l'heure inespérée." (Horace)

Il est certain où la mort nous attende: attendons-la partout. La préméditation de la mort est préméditation de la liberté: qui a appris à mourir, il a désappris à servir; le savoir mourir nous affranchit de tout sujétion et contrainte; il n'y a rien de mal en la vie pour celui qui a compris que la privation de la vie n'est pas mal.
Montaigne, Essais, Gallimard.*

J'espère que mes propos n'ont pas assombri votre journée. Pincez-vous! Vous êtes vivant? Alors, souriez à la vie, la vie vous sourira... Sur ce, je vous dis à demain!
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Saluons l'apport d'autres chercheurs qui ont tracé la voie de la recherche:
-- Notons que Hermann Muller et Barbara McClintock, tous deux Prix Nobel avaient déjà eu, chacun à leur manière, l'intuition de l'existence des télomères, mais n'en avaient pas complètement décrypté le fonctionnement ni les applications potentielles. Figaro- Santé.

-- En 1998
, «l'équipe dirigée par James Thomson (université Wisconsin-Madison) est parvenue pour la première fois à mettre en culture des cellules sources embryonnaires (ES). Véritable Graal de la biologie cellulaire.» Science & Vie.
* «Les pages les plus célèbres de la philosophie occidentale. De Socrate à nos jours», Denis Huisman, coll. Marie-Agnès Malfray, Editions Perrin, 200, 665 pages.



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