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mardi 10 novembre 2009

Prix Femina. Personne - Aubry / Maurice à la poule - Zschokke / Histoire de chambres - Perrot

Prix Femina. Le prix a été décerné à Gwenaëlle Aubry, pour son roman -en fait, un récit intimiste- «Personne» (Mercure de France). Benoîte Groult, membre du jury, «a défendu ce livre exceptionnel dès le début». Elle estime que: «le livre parle de la folie, pas d'une manière psychanalytique, mais familière et affectueuse.» Prix Femina du roman étranger. Le lauréat est Matthias Zschokke, écrivain suisse germanophone, dont le roman s'intitule «Maurice à la poule.» -que cache ce titre? Ce roman, traduit par Patricia Zwicher, a paru aux Éditions Zoé, Genève.
Prix Femina de l'essai. Michèle Perrot a reçu ce prix pour «Histoire de chambres» (Seuil). «Le repos et l'amour, la quête de Dieu ou de soi, la naissance et la mort... Tout, ou presque, mène à cette pièce intime entre toutes. L'historienne Michelle Perrot raconte la formidable saga de ce lieu où se joue le théâtre de l'existence.» Le livre est un voyage historique au pays des chambres à coucher, théâtres de notre existence, cinéma muet ou parlant de nos vies.

Laissons, maintenant, la parole aux lauréats (lors de l'annonce du prix).
Hélas! Je n'ai pas trouvé la déclaration de Michèle Perrot. Pourtant j'ai cherché... cherché... Il faut croire que je suis davantage une chercheuse qu'une trouveuse. Désolée! Je compte, à présent, sur le hasard, celui qui fait bien les choses...

Gwenaëlle Aubry: «Je reçois ce prix comme une double reconnaissance, à la fois de mon travail d'écrivain et du texte de mon père dont je suis partie.« Elle ajoutera: «Le mouvement d'écriture a été très libérateur et curieusement euphorisant. Je n'ai pas du tout écrit ce livre dans la douleur ou dans le deuil. Il y avait quelque chose de fondamentalement vivant à accompagner, à partir du manuscrit qui m'a été légué par mon père.» [Agence France-Presse - AFP]

Matthias Zschokke, amusé, a déclaré que son live ne raconte «rien»... «Il n'y a pas d'intrigue, c'est parfois drôle, philosophique, intelligent, bête, j'espère toujours plein de surprises.» Amusé... et ému aussi de recevoir ce prix «le jour anniversaire de la chute du Mur» de Berlin. Ne connaissant cet écrivain ni d'Adam ni d'Ève, ni de la côte ni de la pomme, je m'informe et vous en reparlerai. [Agence France-Presse - AFP]


«Personne», de Gwenaëlle Aubry.

Je vous en avais glissé un mot dans mon billet du 6 septembre, car ce livre était l'un des choix de la rentrée littéraire 2009 de Jérôme Garcin avec «Mon enfant de Berlin», de Anne Wiazemsky; «BW», de Lydie Salvayre. Et «Des hommes» de Laurent Mauvignier, un cas à part car son livre est un véritable roman, c'est-à-dire une fiction totale.

Ces 3 romans, dit Jérôme Garcin, sont à proprement des récits, au sens propre; ce ne sont pas des œuvres d'imagination. Ce sont des œuvres intimes où les femmes prennent en compte, et presque sur leurs épaules, la mémoire des leurs, de ceux qui leur sont chers, de ceux qui ont disparu.
Ce sont des livres qui m'ont profondément marqué, qui ne sont pas les plus gais, mais qui sont, chacun à sa manière, une façon de montrer le pouvoir de la littérature -lorsqu'elle est réussie- c'est-à-dire, de vraiment faire parler les sans-voix, de faire revenir le passé, et de libérer ou d'ausculter des traumatismes profonds.

Ces trois livres -comme celui de Laurent Mauvignier- sont excellents. Dans l'ensemble, les critiques s'entendent sur ce point. Ils méritent tous d'être lus. À vous de choisir... Le jury du Prix Femina a fait le sien: «Personne», de Qwenaëlle Aubry. Il convient donc de commencer par ce livre, d'autant plus qu'il mérite pleinement le prix remporté.

«Personne», de Qwenaëlle Aubry. Critique de Jérôme Garcin

«Personne» est son père, sa fille rend son identité à ce père qu'elle a tant aimé. Et qui était quelqu'un, avant de ployer sous une psychose maniaco-dépressive.

Son propre texte se nourrit du texte de son père. François-Xavier Aubry était un juriste et un grand professeur de droit à la Sorbonne.« Né mélancolique, fils et petit-fils de médecin, il devint maniaco-dépressif, et a dû être interné.
Il balayait les marches du Palais de Justice où il avait été stagiaire; il se prenait pour James Bond, il errait pieds nus dans la ville, prétendait descendre du comte de Chambord, il regrettait qu'il n'y eût pas de SPA «pour les chiens-hommes perdus sans collier. On le traitait de fou. Il réclama, pour sa crémation, le «Dies Irae» dans l'espoir qu'on lui pardonne ses "colères exaltées"».

Il a laissé des notes sur «son mal de vivre, ses angoisses, ses rêves de galops et de désert africain», qu'il avait consignées dans un texte «Le mouton noir mélancolique». Sur la chemise, il avait écrit «à romancer».
Sa fille a restitué son texte, lui a redonné la parole. C'est ainsi qu'elle transforme «personne», son père, en quelqu'un.
[Texte tiré de deux articles de Jérôme Garcin, publiés sur BibliObs, «Mes choix de la rentrée littéraire» et «Soyez-là le 27 août: pour un grand livre»*]

C'est bouleversant. Le chant grégorien d'une fille blessée. Et un destin brisé, un grand livre.
Jérôme Garcin

Je n'ai connu de bonheur permanent que celui qui vient de l'existence de mes enfants
Note de François-Xavier Aubry

On doit porter le deuil pendant sept jours pour un mort,
pendant tous les jours de sa vie pour un fou
Saint Augustin
cité en épigraphe de «Personne»

Le livre «Personne» compte environ 160 pages et 26 courts chapitres. Gwenaëlle Aubry présente son père sous 26 angles pour tenter d'en faire le portrait. Ce sont 26 entrées d'un abécédaire. A pour Antonin Artaud, B pour James Bond, C comme clown, D comme disparu, E pour enfant, F comme fuir... M pour moi... P pour personne et persona... S pour SDF... Z pour Zelig (l'homme-caméléon de Woody Allen).

Voyez et écoutez Gwenaëlle Aubry présenter son livre et en lire un extrait.

Pour lire un extrait de «Personne», intitulé Antonin Artaud, extrait publié sur lexpress.fr, cliquez ici
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*Jérôme Garcin est directeur délégué de la rédaction du «Nouvel Observateur», et plus particulièrement, de ses pages culturelles.
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