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mardi 17 novembre 2009

Suite française - Max- Effroyables Jardins / Apocalypse - Épisode 3 -Tv5

«Suite française», de Irène Némirouski. Max et Effroyables Jardins, de Michel Quint. Voilà 3 romans pour comprendre l'Exode et L'Occupation. Des lectures en complément de «Apocalypse, la 2e Guerre mondiale», Épisode 3, Le choc 1940-1941, diffusé lundi 16 novembre à 20h00; en rediffusion mardi 17 novembre 2009 à 13h00, sur Tv5. Mais, d'abord, repassons les événements clefs de 1940.

[] Le 6 juin 1940. Effrondrement de la ligne de défense française (ligne Weygand), établie sur la Somme et sur l'Aisne. La défaite est inévitable. Deux jours plus tard, le Front est disloqué. Dès le 9, Rouen est occupée.

[] C'est l'exode. Devant l'avance des Allemands, la population civile de Paris fuit vers les campagnes, en hâte, dans un désordre indescriptible, créant des embouteillages monstres. Sur les routes, de nuit comme de jour, la population est la cible des bombes et de la mitraille. Georges Duhamel écrira cette triste phrase:
«Ceux que la mitraille et les bombes ont arrêtés dans l'exode»**

[] Le 13 juin 1940. Paris, abandonnée par ses habitants, est déclarée ville ouverte. Tout combat est interdit. La folle rumeur se met en marche et sème l'inquiétude, l'anxiété... Qui croire, quoi croire, comment démêler le vrai du faux? La méfiance s'installe, La suspicion s'installe, prend racines: elle fera des ravages... avant l'Occupation, pendant l'Occupation, après l'Occupation. La marche infernale, sournoise, souterraine, était en marche.

[] Le 14 juin 1940. Les Allemands entrent dans Paris. C'est un choc!
La croix gammée, symbole du nazisme flotte sur Paris
Le premier acte de l'Occupation, c'est la ruée vers les archives dans les ministères abandonnés.
La liste des espions, de juifs, des francs-maçons.
Et même l'original du Traité de Versailles de 1919 qui a humilié les Allemands.
Il est aussitôt envoyé à Hitler.

[] Le 22 juin 1940. L'Armistice franco-Allemand est signé dans le «Wagon de L'Armistice», dont je vous ai parlé dans mon billet du 11 novembre 2009, intitulé «11 novembre. Jour du souvenir- Armistice - Bleuet de France- Coquelicot»

[] Le 11 juillet 1940. Le Maréchal Philippe Pétain (qui avait joué du coude) est investi des pleins pouvoirs par l'assemblée nationale gouverne la France. Il installe son gouvernement à Vichy, officiellement souverain sur la totalité du territoire français.
La France est divisée, en gros, en 2 zones. La zone occupée, le nord et la côté atlantique. La zone d'occupation allemande est sous le Commandement militaire allemande siègeant à Paris. La Zone libre (non occupée), au sud de la Loire où seules les lois du gouvernement de Vichy sont appliqués. Entre ces 2 zones, une ligne de démarcation.

«Des lois de Vichy: 17 juillet 40, concernant l'accès aux emplois dans les administrations publiques, du 14 octobre 40 relatives aux ressortissants étrangers de race juive, du 13, la veille, portant sur le statut des juifs, du 23 juillet 40, relatives à la déchéance de la nationalité à l'égard des Français qui ont quitté la France, tous ces actes où Pétain commence par «Nous, Maréchal de France…», et cette autre loi qui me touche, du 6 juin 42, interdisant aux Juifs d'exercer la profession de comédien…»
Effroyables Jardins, Michel Quint

[] Le 11 novembre 1942. En représailles du débarquement des Alliés en Afrique du Nord, les Allemands franchissent la ligne de démarcation, envahissent la Zone libre.

Des romans pour comprendre
Je vous propose 3 romans qui nous amènent à (mieux) comprendre -de l'intérieur- deux évènements majeurs: l'exode des Français, et l'Occupation allemande.


L'Exode.
«Suite française», de Irène Némirouski - Prix Renaudot 2004
Pour « assister» à cette fuite éperdue des Parisiens comme si vous y étiez sur place, je vous conseille fortement ce livre, publié chez Denoël 2004. Irène Némirouski nous fait littéralement vivre, «en direct» l'Exode de 1940. La première partie «Tempête en juin», ele dépeint l'exode à travers le portrait de familles, de couple, de célibataire de toutes classes sociales. Dans la deuxième partie «Dolce», on assite à l'Occupation du village de Bussy où les Allemands et les Français sont forcés à se côtoyer. La ruse des paysans fait plaisir à voir...
Pour ma part, j'ai écouté... le roman lu par Valérie Charpinet, éditions Livrior (14 Cds). ***
Roman d'un réalisme bouleversant.


L'Occupation allemande abordée de deux points de vue par Michel Quint.
Un Résistant, Jean Moulin, un personnage qui appartient à la grande Histoire, que Michel Quint fait revivre «en chair et en os»
Un Résistant «ordinaire», le père de Michel Quint, un Résistant dans l'ombre, comme tant d'autres dont les actions héroïques ont contribué à sauver la France. Ce sont les deux côtés de la même médaille!

Max, Michel Quint, Éditions Perrin (collection Singulier), 243 pages.

‹‹Qu'on me pardonne de faire de Jean Moulin un héros de roman››, écrit l'auteur dans l'Avertissement qu'il faut lire attentivement.

Le destin de Jean Moulin (1899-1943), l'homme de chair et d'os, le préfet, est intimement lié au Mouvement de la Résistance et aux années douloureuses, et longues, de l'Occupation allemande. Jean Moulin, un fils et un frère aimant, un homme qui aime les femmes avec une tendresse touchante. Ce roman est basé sur des faits historiques avérés, des personnes ayant réellement existé, des personnages prenant vie sur ces derniers et des personnages inventés de toutes pièces : voilà le filigrane de ce roman puissant. D'où les précautions de l'auteur et l'utilisation de pseudonymes et de sigles désignant des groupes ou des organisations.

On entre dans ce roman avec respect; on le lit, accroché au suspense; on est soufflé par la fin; on en sort le cœur gros de compassion, des larmes chaudes coulant sur les joues. On se surprend à garder le livre dans ses mains comme si on voulait, au-delà de l'espace et du temps, serrer contre soi ces êtres souffrants pour les consoler. L'instant d'après, on réalise que ce sont les personnages d'un roman. Un roman remarquable! Vous y rencontrerez l'humanité nue: l'homme dans ce qu'il a de plus abject et de plus sublime. Une écriture éblouissante! Monologues et dialogues (à l'intérieur de ceux-ci) sonnent vrai, les sentiments sont rendus avec sobriété. Un texte dont la beauté et la luminosité contrebalancent l'atmosphère lourde qui pèse sur la vie incertaine de chacun. Cependant, il est possible que votre lecture du roman soit, parfois, entravée par les sigles –trop nombreux- parsemant le texte. Je vous le dis, passez outre: c'est une rançon bien faible en regard de la qualité de ce roman exceptionnel.


Effroyables Jardins, Michel Quint, Éditions Gallimard (collection Folio), 2004, 63 pages

«De fait, je le sais aujourd'hui, il méritait la distinction, la légion d'honneur de la reconnaissance, et ceux qui croisaient au trottoir son regard doux auraient dû se découvrir. Parce que lui, il a passé sa vie à rendre hommage, à payer sa dette d'humanité, le plus dignement qu'il croyait.» écrit l'auteur en parlant de son père, à la page 18.

Une fois ses parents en allés, le narrateur-auteur ressasse ses souvenirs et raconte son histoire. Tout jeune enfant, il détestait déjà les augustes, qui le remplissaient de tristesse, sans qu'il ne sache pourquoi. Alors, imaginez quand il verra son père, instituteur, se déguiser en clown… et donner des spectacles. Un mauvais clown, ridicule, qui ne rate pas une occasion. Comme si ce n'était pas assez, toute la famille assiste à ses prestations, et s'y rend dans une vieille bagnole jaune canari! Comme si ce n'était pas encore assez, tous les congés y passent. Il aurait voulu se voir ailleurs: on le comprend! Aussi, l'enfant a honte de son père et de sa famille ainsi que de l'oncle Gas
ton et sa Nicole, de drôles de pistolets! Une famille pas comme les autres! Mais, sa honte se changera en admiration affectueuse lorsque Gaston lui dévoilera le secret familial. À vous de le découvrir… et d'entrer dans ces effroyables jardins!

Ce récit, aussi percutant que bref, se lit d'une seule venue. Il semble, d'ailleurs, avoir été écrit d'un seul souffle. On a l'impression d'être en présence même du narrateur-auteur qui nous fait des confidences à demi-voix. Il nous raconte son enfance teintée de tristesse –à cause des augustes et de son père-clown– ainsi que des anecdotes familiales, parfois loufoques. Des vies, des «petites vies», qui sont, pourtant, en résonance avec des faits d'armes de résistants anonymes (contrairement à Max) qui, multipliés, ont contribué à la libération de la France sous l'occupation. Un récit, simple et sincère, émouvant –sans être larmoyant. Des dialogues d'une justesse sans faille. Une écriture limpide, imagée.

En somme, un roman qui saura vous émouvoir, vous faire (mieux) connaître ce que l'Histoire doit à la petite histoire de gens «ordinaires». Un roman qui vous restera en mémoire. Et le tout livré dans une soixantaine de pages.

Bonne journée!
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* Ne manquez pas de visiter le site de la série sur Tv5. Cliquez ici.
** Georges Duhamel cité dans «Le Petit Robert» électronique.
*** Pour écouter des extraits en Podcats, cliquez ici.
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