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lundi 16 novembre 2009

Renaudot des lycéens. «Ce que je sais de Vera Candida» - Véronique Ovaldé

Prix Renaudot des lycéens. «Ce que je sais de Vera Candida», publié aux Éditions de l'Olivier (292 pages), a valu à Véronique Ovaldé le Prix Renaudot des lycéens. Pour Dominique Ovaldé, c'est un doublé: la romancière couronnée par les lycéens est aussi l'éditrice de Jean-Michel Guernassia qui a remporté le Prix Goncourt des lycéens pour son roman «Le Club des Incorrigibles optimistes» (Éditions Albin Michel).

Dans ses propos recueillis, Abeline Majorel lui demande: «Et quel supplément aimeriez-vous avoir apporté à vos lecteurs?», faisant référence à la célèbre phrase de Raymond Chandler, Dominque Ovaldé répond ... «Un type de réconciliation peut-être. Un apaisement...» En tant qu'éditrice? Elle répond: «Je cherche la même chose qu'en tant que lectrice. Et ça peut être très divers, je peux aimer un roman au charme très ténu, quelque chose de très silencieux, je peux aimer un texte baroque et furieux»
Toute personne capable d'écrire une page de prose
ajoute quelque chose à nos vies.
Raymond Chandler, écrivain, poète, scénariste



«Ce que je sais de Vera Candida»

Le roman raconte le destin de 3 femmes marquées au fer rouge de la fatalité. Fatalitas! Le même modèle de vie, se reproduisant d'une génération à l'autre, pèse lourd sur ces femmes. Au commencement était Rose Bustamente... née pute de première main.

Vatapuna.
«Vatapuna. Les deux métiers de Rose Bustamente».
  • Rose Bustamente, la grand-mère maternelle de Vera Candida, avant de de devenir la meilleure pêcheuse de poissons volants de ce bout de mer, avait été la plus jolie pute de Vatapuna. Répudiée à quatorze ans par sa mère parce qu'elle n'était plus vierge, Rosa Bustamente avait vécu chez des cousins... dont les fils avaient fréquenté d'un peu trop près Rose Bustamente... avec une sorte d'indifférence fruste comme si elle avait été une biquette de plus. Rosa Bustamene avait finit par descendre à Vatapuna et faire ce que sa mère avait prédit qu'elle ferait: elle s'était mise à son compte dans la cabane, aujourd'hui transformée en snack-bar miteux.À quarante ans, se considérant trop vieille pour continuer son ministère, Rose avait cessé d'être pute.»

Rose se convertit donc en pêcheuse de poissons volants. «Elle était habile, délicate, dure à la tâche, toutes qualités qui lui avaient fort servi dans les deux métiers.» Elle vivait tranquille jusqu'à ce que Jeronimo arrive au village avec sa voiture «Blanche avec des ailerons» - titre du chapitre. Sa mauvaise réputation l'avait précédé mais: «Imaginez comme Rose Bustamente, née pute de première main, reconvertie dans la pêche aux poissons volants pouvait s'en tamponner de ce Jeronimo, le détrousseur de casinos.»

Inutile de discourir longtemps sur le style, le phrasé, les mots, l'ironie, l'humour, l'absurde: les citations que je tire des 2 premiers chapitres du roman vous en donnent un échantillon représentatif, comme disent les sondeurs.
La fantaisie, le rire même servent à désamorcer les situations tragiques, les scènes de violence. «Ils rient ensemble», ce rire n'a pas surgi de l'humour, il est un appel à la pacification.

Poursuivons. Rosa Butamente se fera prendre dans les filets de Jeronimo. De leur liaison naîtra Violette, esprit lourd et cuisse légère. La grand-mère de Vera Candida, supposée stérile, devient une mère célibataire
À son tour, Violette, la mère de Vera Candida, tombera enceinte sans qu'elle ne sache qui est le père -le savoir n'aurait rien changé... Mère célibataire, elle donnera naissance à une petite fille nommée Vera Candida, qui sera élevée par sa grand-mère dans sa cabane au bord de la mer.
À son tour, Vera Candida tombera enceinte... à 15 ans. De génération en génération, les femmes, poussées par la pauvreté et les abus des hommes, reproduisent le même modèle. Elles sont prises dans un engrenage dont elles ne parviennent pas à sortir. Fatalité, ô fatalité maudite!

Lahomeria.
Vera Candida quitte l'île de Vatapuna pour Lahomeria, sur le continent.
Vera se réfugie dans un foyer pour mère célibataire, tenu par la vieille Mme Kaufmam, sosie de «Orson Welles vers la fin». Elle doit quitter ce foyer lorsqu'un journaliste, Itxaga, dévoilera le passé d'ancien nazi du mari de Mme. Vera réfugie alors dans un immeuble communautaire où son petit ami Jules Ramirez lui tire dessus. Décidément, Vera n'a pas de chance, les nuages noirs du destin mauvais s'accumulent au-dessus de sa tête.
Et pourtant... elle donnera naissance à une fille -elle aussi- qu'elle nommera Monica Rose, Rose en souvenir de sa grand-mère Rosa Butamente, qu'elle a tant aimée.
Vera Candida se mettra en ménage avec l'homme de sa vie, nul autre que Itxaga, qui prend soin d'elle et de sa fille. Un homme qui fait oublier tous les autres qui jalonnent le roman: violeurs, voleurs, violents, des salauds, quoi!
Vera, Itxaga, bébé Monica Rose vivent ensemble heureux.
Monica Rose échappera à la destinée fatale de son arrière-grand-mère, Rose Butamente, de sa grand-mère, Violette, de sa mère Candida Vera. Monica Rose a un père adoptif, Itxaga, un homme bien.
Mais... hélas, il y un mais...

Vatapuna.
Vera Candida quittte Lahomeria pour retourner, seule, à l'île de Vatapuna.
Prologue. «Le retour de la femme jaguar». «Quand on lui apprend qu'elle va mourir dans six mois (d'un cancer), Vera Candida abandonne tout pour retourner à Vatapuna. Elle sait qu'il lui faut retrouver la petite cabane au bord de la mer...» Elle n'a plus 15 ans, elle en a 39. Aussi quand le chauffeur d'autobus lui lance «Je vous connais?», elle le regarde dans les yeux mais juste au-dessus sur le point le plus bas du front, et ce décalage crée un trouble indéfinissable. Vera Candida a ce genre de regard c'est comme un muscle de son visage qui serait toujours crispé, une maformaton congénitale, impossible d'avoir l'air doux et attendri. Déjà minuscule, Vera Candida ne lâchait personne avec sa scrutatoin, elle semblait percer chacun à jour - sans que cela fût vrai d'ailleurs. Vera Candida n'avait pas ce pouvoir, elle ne faisait que fixer les gens comme l'aurait fait un bébé jaguar.» Le chauffeur ne demande pas son reste. Il ferme la porte coulissante de l'autobus, et poursuit sa route.

Vera Candida traverse le village pour se rendre à la cabane qu'elle a quittée 24 ans plus tôt. Il y a un snack à la place... Elle laisse tomber son sac et s'assoit dessus. Elle est fatiguée, elle a faim, elle se sent mal, «elle pense à son corps qui déclare peu à peu forfait, elle a la tentation de se laisser aller à un désespoir tranquille. Elle ne se sent pas si mal, elle se sent juste en proie à la fatalité.» Une vieille femme (au physique et à l'apparence pas banals) lui lance un Psst. «Tu es Vera Candida... Ta grand-mère m'avait bien dit que tu reviendrais.» Le prologue se termine sur ces paroles. Et commence le premier chapitre: Vatapuna.
«Vatapuna. Les deux métiers de Rose Bustamente».

Le roman, on le voit, se déroule dans une structure circulaire.
Composé de courts aux intitulés créatifs, ironiques, il est largement reconnu comme l'un des meilleurs livres de la rentrée. Les villages de Lahomeria et Vatapuna n'existent pas autrement que dans l'imagination fertile de Dominique Ovaldé. Sommes-nous, pour autant, dans un pays imaginaire d'Amérique du Sud? Je dirais plutôt .. imaginé, car il repose sur un substrat réaliste. La fatalité qui accable ces 3 femmes ne me semblent pas «locale. C'est la force de ce roman qui atteint au-delà du lieu -aux contours imprécis-, au-delà du destin particulier de Rose Butamente, de Violette, de Vera Candida toutes les femmes aux prises avec des situations similaires où qu'elles vivent, et même au-delà du temps.
Bref, «Ce que je sais de Vera Candida» est un roman universel. Un tour de force peu commun... qui révèle une grande romancière.

Saluons les lycéens qui ont su reconnaître la valeur de ce roman, et le porter devant la scène littéraire. Et contribuer ainsi à le faire connaître par un plus grand nombre de lectrices et de lecteurs. Merci!

Bonne lecture! Bonne journée!
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Pour lire ce qu'en dit l'éditeur, cliquer ici.
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